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Ma Vie Assurément, le podcast

Avec Ma Vie Assurément, le podcast des agents du service public proposé par GMF, plongez au cœur du quotidien de celles et ceux qui s'engagent et se mettent au service des autres, et découvrez l'extraordinaire de vies ordinaires.

Ma Vie Assurément Saison 1

Épisode 6 - L'apprentissage de la citoyenneté en maternelle

Elle s’appelle Céline Larpin, elle est enseignante en classe de maternelle.

Pour Céline, son rôle ne se limite pas à l’apprentissage du programme scolaire… Il s’étend bien au-delà : l’enseignante cherche à construire avec l’enfant toutes les choses dont il aura besoin pour se socialiser. « On est tous des chercheurs dans nos classes ! ».

C’est dans ce but que Céline a participé à la création du projet « le banc de l’amitié », un formidable outil pour les enfants. Il favorise la bienveillance, l’entraide et le sentiment d’appartenance à un groupe. Ce banc de l’amitié est le parfait symbole du « vivre ensemble » si cher au cœur de Céline...  

Journaliste
Bienvenue dans le Podcast Ma Vie Assurément, proposé par GMF, qui met à l’honneur les agents du service public.
Ils s’appellent Aziz, Sylvain, Philippe ou Marine, et ils œuvrent chaque jour pour aider les autres. Aujourd’hui, nous partons à la rencontre de Céline Larpin, elle a 47 ans, elle est professeure des écoles, et l’une des secrétaires de l’AGEEM, c’est-à-dire l’Association Générale des Enseignants des Écoles et Classes Maternelles publiques.
Bonjour Céline.

Céline : Bonjour !

Journaliste : Question traditionnelle dans cette émission, est-ce vous vous souvenez pourquoi et quand vous avez choisi de devenir professeur des écoles ?

Céline : Alors il faut remonter le temps, c’est il y a très longtemps que j’ai décidé de devenir, alors à l’époque pas Professeure des écoles, mais institutrice. Donc ça remonte, alors dans ma première enfance par le contacte des mes enseignante d’école primaire, c’était un souhait comme beaucoup de petites filles, mais ça s’est concrétisé plus tard au lycée, dans le parcours scolaire que j’avais envie de prolonger.

Journaliste : Donc vous êtes Professeure des écoles, mais votre préférence c’est les petits, c’est la maternelle.

Céline : Oui. 

Journaliste : On est bien d’accords, c’est-à-dire que vous intervenez avec des deux à six ans ?

Céline : Oui voilà c’est ça.

Journaliste : Même si on le rappelle, n’est obligatoire qu’à partir de trois ans.

Céline : De trois ans, depuis cette année oui.

Journaliste : Qu’est-ce que l’on lorsque l’on enseignant avec des tous petits, qu’est-ce qu’on leur apporte, quel est votre rôle ?

Céline : Mon rôle, c’est d’abord d’agir en fonction du programme scolaire, puisqu’il y a un programme qui concerne l’école maternelle. Donc il faut que je sois la garante du bon déroulement ce programme, des apprentissages, les mêmes que ceux que l’on va avoir après, car on est dans le langage, dans on est dans l’écriture, dans la préparation de l’écriture, on fait des sciences, voilà, tous les champs disciplinaires démarrent dès l’école maternelle.
Et à côté de ça, il y a une grosse, grosse partie importante sur le vivre ensemble puisque que c’est le premier lieu on l’on va se socialiser, voilà toute cette mise en confiance, cette entrée dans le groupe qui va constituer le groupe classe.

Journaliste : Est-ce que votre rôle est également celui de l’apprentissage de l’autonomie ?

Céline : Oui bien sûr. Autonomie, alors déjà dans les premiers gestes, pour s’habiller tout seul, les premiers gestes de propreté, et puis autonomie aussi pour organiser son travail, pour savoir ce que l’on a à apprendre, quels chemins on va construire. Tout ça c’est aussi notre enjeu à l’école maternelle.

Journaliste : Vous avez une grande responsabilité.

Céline : Je trouve et c’est ça qui fait que je me plais dans ce métier, c’est la responsabilité que l’on a vis-à-vis des enfants, vis-à-vis- des familles, vis-à-vis des citoyens, car l’on construit beaucoup de choses sur le vivre ensemble. Alors ça peut faire peur, mais ça peut-être aussi un sacré défi pour l’école. 
Donc c’est pour ça que c’est un métier où on a sans arrêt à se reposer des questions, à se reformer, et à s’enrichir, alors de la recherche, mais aussi de ces mutualisations que l’on peut avoir entre enseignants, parce que personne ne détient la bonne solution. Donc nous sommes tous des chercheurs quelque part dans nos classes.

Journaliste : Vous êtes par ailleurs vous êtes responsables, représentante de l’académie ce Clermont-Ferrand pour l’association que nous avons évoquée tout à l’heure, l’AGEEM donc, qui s’occupe des enseignants, des écoles et des classes de maternelle publiques. Quel est son rôle ?

Céline : Notre objectif est de défendre de promouvoir la pédagogie de l’école maternelle. C’est de pouvoir réfléchir à toutes les questions qui peuvent concerner l’école maternelle, avec ce regard qui est l’intérêt des enfants pour tout ça. 

Journaliste : Céline, l’AGEEM développe des initiatives favorisant l’épanouissement et l’apprentissage de ces petits enfants. Parmi celles-ci, un projet tout à fait touchant. Pouvez-vous nous en parler un peu ?

Céline : Oui bien-sûr. Alors je peux vous parle du banc de l’amitié, qui est une initiative lancée par notre association il y a quelques années, au départ dans le cadre la Journée de la laïcité. C’est vrai qu’à l’école maternelle, je le disais tout à l’heure, on va beaucoup apprendre sur le vivre ensemble, et il nous a paru important d’entamer ce travail là et de le symboliser par quelque chose, donc on a cherché cette opération, on a lancé cette opération du banc de l’amitié.
En quoi ça consiste ? Et bien dans les écoles maternelles, si vous vous promenez, et vous aller voir que fleurissent ces petits bancs, qui seront installés dans les cours de récréation, qui seront tous différents, et qui surtout seront investis par les classes.
Donc le banc de l’amitié, c’est quand dans la cour de l’école, on voit un enfant qui se sent seul, qui se sent mal, qui se sent triste, il peut aller s’assoir sur ce banc, et les autres vont pouvoir l’identifier comme quelqu’un qui a besoin d’aide, qui a besoin d’écoute, qui a besoin peut-être d’un copain pour aller jouer.
Voilà c’est cette initiative. Alors il arrive comme ça dans les cours de récréation, mais en amont, il y a eu tout un travail en classe pour lui donner sa valeur, et symbolique et sa valeur de partage.

Journaliste : Donc l’objet lui-même, ça peut être un bois en bois, ça peut être un banc qui a été fabriqué par les parents d’élèves, par les enfants eux-mêmes, c’est ça ?

Céline : Voilà tout à fait. Alors il existe plein de modalités différentes selon les écoles, et ça va être tout ce que ce banc va pouvoir porter comme valeurs qui va être travaillé dans la classe. Donc pour vous donner un exemple, dans mon école c’est un banc de l’école qui était là mais qui n’avait d’intérêt. Mais ce banc, on l’a transporté dans la classe, on l’a investi artistiquement et surtout on travaillé d’autres choses ?

Journaliste : Il a été peint par les enfants ?

Céline : Il a été peint par les enfants. Chaque enfant a mis sa touche personnelle, pour montrer que c’était une construction collective.

Journaliste : Ils ont écrit leur prénom ?

Céline : Alors ce n’était pas les prénoms parce que dans les écoles, vous savez, parfois les enfants déménagent, arrivent, donc c’était plutôt avoir quelque chose de graphique, quelque chose d’artistique, mais pas forcément rattaché au prénom.

Journaliste : Donc si j’ai bien compris, un enfant qui se trouve seul, triste, qui ne trouve personne, avec qui jouer dans la cour, il est au courant, il est informé, il sait qu’il peut aller s’assoir sur ce banc et ça signifie « venez m’aider », « venez avec moi », « je suis triste » ou « je me sens tout seul ».

Céline : Voilà, c’est le message lancé aux autres oui. 

Journaliste : Et qu’est-ce qui se passe après ça ?

Céline : Des enfants qui ne sont pas forcément dans le même groupe, peuvent voir cet enfant qui s’est assis sur le banc, et peuvent donc soit aller s’assoir à côté de lui pour parler avec lui, l’emmener dans un jeu, et sans la médiation forcée de l’adulte.

Journaliste : Les grands n’interviennent pas.

Céline : non les grands n’interviennent pas. Alors bien-sûr les grands sont toujours là, les adultes sont toujours présents dans la cour, pour la deuxième étape, s’il y a vraiment quelque chose qui ne va pas. Mais ce banc est identifié comme « J’ai besoin d’un ami », « j’ai besoin que quelqu’un vienne voir ce qui se passe pour moi ».

Journaliste : Donc ce banc de l’amitié est conçu pour favoriser l’attention à l’autre, l’entraide et le sentiment d’appartenance à un groupe. Vous êtes d’accord avec ça ?

Céline : Je suis tout à fait d’accord avec ça. Je le mets à plusieurs hauteurs ce banc. D’abord à la hauteur des enfants, on le disait, qui vont pouvoir exprimer des émotions. Après je le mets à la hauteur des enseignants aussi.

Journaliste : Comme outil pédagogique ?

Céline : Comme outil pédagogique pour parler de l’entraide, pour avoir des discussions un peu philosophiques sur ce qu’est un ami, ce qu’est l’amitié, et pouvoir exprimer des choses sur la fraternité. Ça c’’est la hauteur de l’enseignant. 
Et puis la dernière c’est la hauteur du citoyen parce que ça engage aussi les familles, je disais qu’à l’école maternelle on travaillait beaucoup avec les familles. 
Donc installer un banc de l’amitié dans l’école ce n’est pas neutre comme message que l’on envoie pour le vivre ensemble. Et par exemple dans l’expérience de mon école, ce banc a été inauguré officiellement, le Maire de la commune est venu, il a été recouvert, on a coupé un ruban, on le range chaque soir pour pouvoir en prendre soin, pour ne pas qu’il s’abîme dehors quand on est pas là. 
Donc voilà, il y a des valeurs importantes à partager.

Journaliste : Ce banc est chargé de valeurs.

Céline : Ce banc est chargé de valeurs.

Journaliste : Comment cette opération a été mise en place ?

Céline : Elle a été mise en place dans notre réflexion sur la laïcité au départ.

Journaliste : Au sein de l’association…

Céline : Au sein de l’association tout à fait. Nous avons sorti un ouvrage sur la laïcité dès l’école maternelle, avec des expériences à partager, dont le banc de l’amitié.

Journaliste : Cela fait combien de temps que cette expérience a été mise en place ?

Céline : Je dirai il y a une petite dizaine d’années maintenant.

Journaliste : Est-ce que vous avez des conseils à donner à des professeurs qui ont envie de mettre en place un projet comme celui du banc de l’amitié par exemple ?

Céline : Le premier conseils c’est d’essayer, car les élèves nous portent, parfois on a des idées, et on va cheminer avec eux, parfois dans les apprentissages, mais aussi dans tout ce qu’ils vont pouvoir créer.

Journaliste : Et ça amène ailleurs.

Céline : Oui ça amène ailleurs, et souvent ça amène très haut ! IL faut être ambitieux pour l’école maternelle, donc cette petite démarche qui paraitre trois fois rien d’installer un banc dans son école, derrière il y a des grands enjeux, des belles aventures à mener.

Journaliste :
Merci Céline, nous nous retrouvons très bientôt dans Ma Vie Assurément, le podcast des métiers de la fonction publique initié par GMF.

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Épisode 5 - Les anecdotes du SDIS des Yvelines

Ils s’appellent Sylvain Rospars et Gérald Guillemard. Ils sont pompiers professionnels dans les Yvelines.

Sylvain et Gérald nous détaillent cette partie méconnue du travail des pompiers. On découvre notamment que les incendies ne représentent qu’un très faible pourcentage de leurs interventions. Elles sont principalement composées de secours à la personne.

Comment les appeler et surtout comment procéder sans prendre le risque de les faire se déplacer inutilement, « estimer l’urgence de la situation… ». Autant de conseils mais aussi d’anecdotes sur ce travail extraordinaire qui rythme la vie de ces héros du quotidien…

Journaliste :
Bienvenue dans le Podcast Ma Vie Assurément, proposé par GMF, qui met à l’honneur les agents du service public.
Ils s’appellent Bertrand, Marine, Gaëtan, Aziz et œuvrent chaque jour pour aider les autres. Aujourd’hui, nous partons à la rencontre de Sylvain Rospars, il a 49 ans, il est responsable de la communication des pompiers des Yvelines et de Gérald Guillemard, son adjoint, qui lui est chargé de communication dans les Yvelines également. Alors tous les deux, c’est de tradition dans cette petite émission, on va commencer par Sylvain, dites-moi, est-ce que vous vous souvenez des raisons pour lesquelles vous êtes devenu pompier ?

Sylvain : Ecoutez je suis rentré sapeur-pompier volontaire à l’âge de 16 ans à la caserne de Versailles dans les Yvelines. Les études ce n’était pas trop fait pour moi et je m’étais dit « voilà j’aime beaucoup le sport et j’aime beaucoup la vie en collectivité, j’aime beaucoup partager avec les autres, donner de mon temps aux autres » et c’est devenu une évidence pour moi c’était ou prof de sport ou sapeur-pompier et je suis donc rentré sapeur-pompier volontaire à l’âge de 16 ans à Versailles. Et je me suis engagé à la brigade des sapeurs-pompiers de Paris dès l’âge de 18 ans et depuis je suis resté sapeur-pompier dans les Yvelines. 

Journaliste : C’est une véritable vocation en ce qui vous concerne.

Sylvain : Tout à fait. Et ma fille est également aujourd’hui sapeur-pompier volontaire. 

Journaliste : Vous me dites que vous aimez vous mettre au service des autres ?

Sylvain : Tout à fait c’est ça. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, j’ai presque 50 ans dans un mois, cette petite flamme que j’avais à l’époque quand je suis rentré à 16 ans je l’ai encore aujourd’hui. Et j’espère l’avoir encore longtemps parce que j’aime ce métier, j’aime ce beau métier de service publique. Rendre service aux autres, être disponible pour ses prochains et voilà, j’espère faire ce métier encore un certain temps. 
Journaliste : Gérald, est-ce que vous vous souvenez vous pourquoi vous vouliez être pompier ? Tous les petits garçons ne veulent pas être pompier ?

Gérald : Alors curieusement au départ non je ne voulais pas être pompier, je voulais être militaire au départ, peut-être l’attrait de l’uniforme, etc. Et puis à cette époque là j’habitais dans le sud de la France dans le Var exactement, et tous les étés je voyais les collines s’embraser autour de chez moi. Et un jour je me suis dit un peu comme pour Sylvain, comme une évidence, et je me suis dit mais pourquoi est-ce que je ne prêterai pas main forte aux pompiers pour aller lutter contre les feux de forêts, et donc c’était en 1990, je suis rentré comme sapeur-pompier volontaire dans la commune de Hyères dans le Var. Et puis voilà, ça fait 30 ans aujourd’hui. Et c’est vrai comme pour Sylvain, c’est quelque chose qui était pour moi comme une évidence et ça ne m’a jamais quitté, et aujourd’hui encore j’ai toujours la même passion et toujours cette même envie de rendre service, de me mettre à disposition de la population.
Journaliste : Il faut préciser, vous travaillez tous les deux pour le service départemental d’incendie et de secours des Yvelines, c’est-à-dire le SDIS, qui est en l’occurrence, le département des pompiers en France, et vous êtes professionnels. 

Sylvain : Tout à fait, sapeur-pompiers professionnels. Il faut savoir qu’en France il y a 250 000 pompiers. Sur ces 250 000 vous avez un peu plus de 12 000 sapeurs-pompiers militaires qui sont les sapeurs-pompiers de Paris (la BSPP), le bataillon de marins-pompiers de Marseille et puis les unités d’Intervention et d’Instructions de la Sécurité Civile. Ensuite vous avez un peu plus de 40 000 sapeurs-pompiers professionnels et près de 200 000 sapeurs-pompiers volontaires qui sont la force vive et la clé de voûte de la sécurité civile en France. 

Journaliste : L’essentiel des troupes sont donc, on ne peut pas dire des bénévoles parce que…

Sylvain : Non ils sont rémunérés aujourd’hui, mais si vous voulez c’est des étudiants, c’est l’artisan qui a passé tous les tests et tous les diplômes pour pouvoir intervenir à nos côtés et qui en plus de leur temps de travail, donne du temps aux sapeurs-pompiers, au service des autres. 
Journaliste : Vous avez des situations où votre émotion a été mise à contribution ?
Gérald : Quand on arrive sur une intervention, aucun sapeur-pompier ne se laisse ou en tout cas rarement, ne se laisse se prendre à ses propres émotions. Il faut savoir qu’on intervient dans un cadre bien particulier, on a des gestes à accomplir, on a une mission à entreprendre et ça nous sert un petit peu de barrière naturelle, de garde-fou, qui nous empêche de nous impliquer émotionnellement dans l’intervention. Alors bien évidemment, on peut être des fois impactés et bien souvent… alors j’ai une petite anecdote qui me revient en tête, lors d’une intervention pour un accident de la circulation dans laquelle on avait une… j’étais le chef de bord d’une ambulance de sapeur-pompier, ce qu’on appelle chez nous les VSAV…

Journaliste : Les VSAV ?

Gérald : Oui, Véhicule de Secours à Victime. Et donc enfaite j’arrive sur les lieux de l’intervention et c’est un choc très rude entre une toute petite citadine et une grosse berline et à l’intérieur de la citadine qui était vraiment très déformée, une demoiselle d’une vingtaine d’années, qu’on prend immédiatement en charge qui se plaint de douleurs atroces au niveau du dos, du bassin. On conduit l’intervention avec le même soin qu’on apporte à toutes nos interventions, on a un renfort d’une équipe médicale du SAMU, et cette personne est transportée sur un hôpital parisien. Sur le moment je dirais une intervention presque « banale » pour les sapeurs-pompiers et on rentre en caserne. Et le temps passe, le temps passe et puis près de 6 mois plus tard, se présente à la caserne une jeune femme qui demande à me parler. Alors bien évidemment, je vais à sa rencontre, « est-ce que je peux vous renseigner ? » et elle me dit « est-ce que vous vous rappelez de moi ? ». Alors là sans vouloir l’offenser je lui dis que non je suis désolé, on voit beaucoup de monde, je ne me rappelle pas de vous. Et elle me raconte, elle me dit « j’étais la personne qui était à l’intérieur de la petite citadine qui était complètement pulvérisée dans le choc, je voulais venir vous remercier ». Et là effectivement ça m’a ému parce que d’une part c’est assez rare qu’on ait des gens qui viennent nous remercier de notre action et en même temps quelque part on ne recherche pas cette reconnaissance-là. C’est un acte gratuit de notre part de porter secours, on le fait parce que c’est dans notre vocation. Mais cette personne me dit que « vous savez que si vous n’aviez pas pris le soin porté à cette intervention, les médecins m’ont dit qu’aujourd’hui je serai en fauteuil roulant et si je peux venir vous voir en marchant c’est grâce à vous ». 

Journaliste : Est-ce qu’il vous arrive tout de même de rire pendant une opération, une intervention ? 

Gérald : Alors rire peut-être pas mais effectivement on est confrontés parfois à des interventions un petit peu hors du commun. J’ai en tête une intervention, pour vous planter le décor, il est 3h du matin, on vient de partir avec le fourgon d’incendie, on est engagés pour un feu sans précision. Un feu sans précision ça veut dire qu’on sait qu’il y a un feu mais on ne connaît pas la nature du feu. On arrive rapidement sur les lieux de l’intervention, quelques reconnaissances et puis on n’arrive toujours pas à déterminer ce qui brûle etc. En plus dehors, des conditions climatiques abominables, un brouillard à couper au couteau, on n’y voit rien. Après plusieurs vérifications auprès de la salle opérationnelle je finis par avoir le numéro de téléphone de la personne qui a appelé les secours et donc je me présente à son domicile. 

Journaliste : Le requérant.

Gérald : Le requérant tout à fait. Et là donc forcément je frappe à sa porte, il est 3h30 du matin, la personne m’ouvre en robe de chambre et je lui dis « excusez-moi de vous déranger, vous nous avez appelés pour un feu et on n’arrive pas à trouver est-ce que vous pourriez nous donner des indications ? » et là la personne me regarde l’air complètement éberluant en me disant « Bah vous ne voyez pas ???!!! », alors ducoup je me retourne et je lui dis écoutez non désolé avec le brouillard je vois pas. Et enfaite ce qui me revient en tête c’est cette petite voix que j’entends derrière qui fait « Ah c’est du brouillard ?? ».
Journaliste : Noooon ?
Gérald : Et si si ! Et enfaite je viens de comprendre un instant que la personne avait pris le brouillard pour de la fumée. 

Journaliste : Pour de la fumée qui se dégageait d’un incendie.

Gérald : Voilà ! Et là je lui dis « non mais ce n’est pas ça quand même votre feu ?? », et il me dit « enfaite avec les lampadaires j’ai cru que c’était un feu avec de la fumée qui se dégageait ».

Journaliste : Vous m’avez également parlé d’une histoire quasiment incroyable de chiens et de noms de chiens. 

Gérald : Oui tout à fait et en plus c’est une histoire qui avait été en plus, relatée par la presse tellement elle avait été aberrante. Ça se passe sur une commune du Sud Yvelines, les secours reçoivent un appel, le centre opérationnel reçoit un appel, pour une personne criant au secours dans les bois. Donc forcément comme on procède habituellement, on envoie une reconnaissance sur place pour la trouver, le véhicule de reconnaissance arrive dans la zone où on avait globalement localisé les appels, prend contact avec la personne qui avait alerté les secours et elle dit « oui effectivement ça fait maintenant un quart d’heures que j’entends quelqu’un appeler au secours dans les bois ». Donc les pompiers partent en reconnaissance, commencent à faire des reconnaissances, croisent un homme en lui demandant « est-ce que vous avez entendu quelqu’un qui appelait à l’aide ? », et la personne nous dit « non non du tout j’ai entendu personne appeler à l’aide ». La terminologie « à l’aide » est vraiment importante. Donc les pompiers continuent à rechercher et entendent eux aussi à leur tour quelqu’un appeler au secours. Ils font donc demi-tour, repartent, recroisent de nouveau cette personne à pied. Et là ils sont quand même un petit peu interpellés et ils lui disent « mais vous êtes sûr que ce n’est pas vous qui a appelé à l’aide ? », « non non ce n’est pas moi, je n’ai pas appelé à l’aide. ». Et puis à un moment il y a un petit déclic qui se fait dans la tête du pompier et il lui dit « mais vous faites quoi là à faire des allers-retours ? » et là il dit « bah enfaite je cherche mon chien, j’ai perdu mon chien ». Et là le pompier lui fait « mais il s’appelle comment votre chien ? », et la personne lui dit « mon chien s’appelle au secours ». 
 

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Épisode 4 - Robotique et urologie: un riche retour d'expérience

Il s’appelle Aziz Benyoussef, il est chirurgien urologue au Grand Hôpital de l’Est Francilien.

Au Maroc, alors qu’il n’a que 6 ans, un chirurgien militaire américain l’opère après un grave accident. Aujourd’hui lui-même chirurgien, Aziz profite chaque jour un peu plus de l’évolution et des progrès phénoménaux de la médecine.

Désormais dans son hôpital, les deux mains du chirurgien accompagnent les quatre bras d’un robot dont les gestes sont d’une précision inégalable. Et comme le dit Aziz, « Le robot n’est pas le chef du bloc… ça reste l’homme !», cette machine intelligente a pu faciliter les gestes chirurgicaux.

Journaliste
Bienvenue dans le Podcast Ma Vie Assurément, proposé par GMF, qui met à l’honneur les agents du service public.
Ils s’appellent Bertrand, Philippe, Marine, Gaetan, et œuvrent chaque jour pour aider les autres. Aujourd’hui, nous partons à la rencontre d’Aziz Benyoussef, il a 60 ans et il est chirurgien urologue au GHEF (Grand Hôpital de l’Est Francilien).  
Bonjour !

Aziz : Bonjour !

Journaliste : Dites-moi, cet hôpital c’est un établissement de grande importance ?
Aziz : Je vais vous résumer un petit peu l’hôpital, c’est le plus grand hôpital public de France en dehors des CHU. C’est un hôpital qui a été créé d’une fusion et il est composé d’à peu près 800 médecins et à peu près, on va dire de 6000 personnes.

Journaliste : Traditionnellement, on commence cette émission en vous demandant pourquoi et quand vous avez décidé de devenir chirurgien ? 

Aziz : Alors, j’ai souhaité devenir chirurgien quand j’étais tout petit. J’avais 6 ans et j’ai eu un accident de la voie publique assez grave, j’ai été hospitalisé (donc j’avais l’âge de 6 ans et je suis originaire du Maroc) et je me souviens toujours de cette visite d’un chirurgien militaire américain qui est passé faire la visite après m’avoir opéré avec sa blouse ouverte et l’aéropage d’assistants, d’internes etc, et ça m’a donné envie de devenir chirurgien. 

Journaliste : Quelles sont les principales interventions d’un urologue ?

Aziz : Alors, l’urologie comporte le traitement de la chirurgie rénale, la chirurgie de la vessie, la chirurgie prostatite, la chirurgie des organes génitaux externes, on traite la lithiase donc les calculs, ce qu’on appelle les calculs, les descentes d’organes. Donc essentiellement beaucoup de cancéraux et donc de traitement de ce qu’on appelle la statique pelvienne, ce sont les prolapsus, les descentes d’organes. 

Journaliste : Et alors jusque là comment procède-t-on et avec quel matériel vous intervenez la plupart du temps ? 

Aziz : Vous savez la médecine fait des progrès donc au fur et à mesure on s’adapte. Quand j’avais commencé ma spécialisation en chirurgie urologique, c’était donc essentiellement de la chirurgie ouverte. A l’époque c’était le début des scanners et au fur et à mesure nous sommes arrivés vers la coelioscopie dans les années 1992-93 et puis en 1999 est apparu le fameux robot qui était au début au stade de développement et qui actuellement est devenu routinier dans son utilisation.

Journaliste : Et alors le robot, j’ai entendu votre enthousiasme lorsque vous en parliez, c’est une révolution dans ce type d’intervention ?

Aziz : Absolument pas, le robot enfaite c’est un instrument qui aide le chirurgien et qui rend service au patient. Auparavant la coelioscopie c’était beaucoup plus pour le patient (on faisait les petits orifices) mais par contre le chirurgien dans sa pratique on va dire que c’était contraignant, il était contrarié dans sa gestuelle parce que ce n’était pas ergonomique on va dire. 

Journaliste : Donc enfaite on pose une sorte « d’araignée » si on peut dire…

Aziz : Absolument.

Journaliste : Sur le ventre du patient, qui se met aux orifices, aux petites incisions qu’on fait, et par ces petites incisions on fait passer à la fois la caméra et les outils qui permettent d’opérer ?

Aziz : Absolument, et des instruments. Le robot a 4 bras, donc il a un bras qui manipule la caméra et 3 autres bras qui manipulent les instruments, sachant qu’il y a seulement 2 instruments qui sont actifs, le troisième instrument est un instrument d’écartement. C’est-à-dire que le chirurgien travaille qu’avec 2 instruments. 

Journaliste : Alors ce qui est très étonnant c’est qu’enfaite l’opérateur, le chirurgien, il peut être dans une pièce à côté, et il est devant un écran. 

Aziz : Absolument.

Journaliste : Il a des joysticks entre les doigts.

Aziz : Voilà, le chirurgien est installé sur un fauteuil bien confortable sur une console donc il a une vision en 3D donc il est coupé de l’environnement mais il communique par casque dans la salle opératoire, où il y a des écrans où les équipes d’anesthésistes et les panseuses suivent. 
Parce que sur le malade il y a quand même soit un assistant soit une assistante, qui est à côté qui manipule, qui passe les fils, etc au chirurgien quand il en a besoin au travers de l’écran. Et donc le chirurgien a une vision en 3D, une vision en profondeur…

Journaliste : En relief.

Aziz : Voilà en relief, et donc une vision très fine puisqu’elle est multipliée par 20. Et la manipulation des joysticks ça lui permet de faire des mouvements que la main humaine ne peut pas faire. Le poignet humain fait 3 mouvements alors que les instruments du robot peuvent faire 7 mouvements ce que l’humain ne peut pas faire.

Journaliste : Alors qui est le chef ? C’est le robot ou l’homme ?

Aziz : Toujours l’homme. 

Journaliste : On parle d’une relation maître-esclave, qu’est-ce que ça signifie ?

Aziz : Le robot ne fait que ce que vous lui dites de faire. Il transmet exactement vos gestes. 

Journaliste : Mais il commence à le faire mieux que l’homme donc le robot est un petit peu plus compétent ? 

Aziz : Non je ne pense pas, je pense que le robot permet d’effacer la fatigue puisqu’on est assis, le tremblement parce qu’un tremblement est physiologique que l’homme a et que le robot n’a pas. L’homme, même s’il n’est pas alcoolique ou parkinsonien, il a un tremblement physiologique. 
Journaliste : Comme un stabilisateur sur un appareil photo.

Aziz : Absolument et donc pour un geste très précis, le robot ne tremble pas.

Journaliste : Quels sont les avantages de ce robot, de cette machine intelligente ?

Aziz : Les avantages c’est comme je vous ai dit, on réalise toujours la même intervention il faut le savoir, c’est la même intervention qui est réalisée que ce soit en chirurgie ouverte, en coelioscopie ou en robot, les règles restent les mêmes, règles qui bien sûr qui ont évolué, perfectionné avec le temps mais c’est toujours les mêmes règles. Mais ce que permet le robot c’est par cette mini incision, il y a moins de délabrement de paroi donc moins de douleur, moins de risque d’infection parce qu’il y a moins d’ouverture pariétal…

Journaliste : Moins invasif.

Aziz : Oui moins invasif. La précision du geste fait qu’il y a moins de saignements donc moins de transfusion donc tout cela, le confort qu’il amène c’est que le patient va pouvoir sortir très tôt, parfois même en ambulatoire ou quelques jours. Donc un retour rapide chez lui, un retour rapide au travail. Après le robot il a un coût.

Journaliste : Et il est très très très élevé.

Aziz : Il est très élevé et il a aussi une maintenance. Alors pourquoi il est très élevé ? Parce qu’il y a un monopole. Celui qu’on vient d’acquérir, avec toutes les options : 3 millions d’euros. 

Journaliste : Donc ce n’est pas un équipement accessible à n’importe quel établissement.

Aziz : Si on n’avait pas fait cette fusion, c’est-à-dire le regroupement de 4 hôpitaux, je pense qu’on n’aurait pas eu la capacité financière pour l’acquérir.

Journaliste : Est-ce que c’est un moment important de l’histoire de votre établissement ?

Aziz : Absolument, c’est un tournant je peux vous dire. C’est un tournant, à tel point qu’il y avait un marasme à l’hôpital, notamment à l’hôpital de Meaux, et qui a fait que l’acquisition et l’installation de ce robot qui est installé à Meaux pour quelle raison, parce que tout simplement le change sérologique est à Meaux a donné beaucoup d’espoirs pour les équipes médicales et chirurgicales et le personnel. 

Journaliste : Est-ce que cette technologie comme vous dites c’est l’avenir de la médecine en général ?

Aziz : Je crois…

Journaliste : En tout cas de la chirurgie.

Aziz : Oui la chirurgie, mais la médecine n’a fait qu’évoluer et je crois qu’elle évoluera peut-être qu’un jour… lorsque nos maîtres disaient souvent que la chirurgie était l’échec de la médecine, et peut-être que le jour où on opérera plus de patient, ça veut dire que la médecine a réussie parce que voilà on pourra traiter par des médicaments ou par de la prévention ou je n’en sais rien, et ce serait magnifique. 

Journaliste : Merci beaucoup, merci pour ces réponses.

Aziz : C’est moi qui vous remercie, merci de votre accueil. 

Journaliste : Nous nous retrouvons très bientôt dans Ma Vie Assurément, le podcast des métiers de la fonction publique initié par GMF. 
 

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Épisode 3 - Dans la blouse d'un infirmier

Ce que Philippe souhaitait avant tout, c’était trouver un métier engageant. Pouvoir évoluer dans le temps, se diversifier, sortir de la routine et surtout se remettre perpétuellement en question.

En devenant infirmier, Philippe a pu ajouter un autre élément essentiel dans son choix de carrière. Être au contact des gens, à l’écoute, pouvoir échanger et avoir un rôle à jouer. Mais réussir ses choix n’empêche pas la peur ! Cette peur, Philippe a appris à la maitriser : « se faire confiance, réfléchir à ses actions et tout se passera bien… »

Que ce soit avec son équipe comme avec ses patients, Philippe a su se servir de son expérience pour affronter les difficultés propres au métier d’infirmier et en faire une force…

Journaliste
Bienvenue dans le Podcast Ma Vie Assurément, proposé par GMF, qui met à l’honneur les agents du service public.
Ils s’appellent Bertrand, Marine, Gaetan, Aziz, et œuvrent chaque jour pour aider les autres. Aujourd’hui, nous partons à la rencontre de Philippe JACOPIN, il a 39 ans, il est infirmier à Villejuif. 
Bonjour !

Philippe : Bonjour !

Journaliste : Une question traditionnelle dans ce podcast, est-ce que vous vous souvenez pourquoi et quand vous avez décidé de devenir infirmier ?

Philippe : J’ai décidé de devenir infirmier après quelques années d’études et après d’autres années d’études de d’autres domaines. Je me suis ré orienté vers ce métier là parce que je voulais un métier qui me permette d’évoluer dans le temps. 
Un métier qui me permette aussi de changer, de diversifier au fur et à mesure des années, d’évoluer, de ne pas avoir une routine, de pouvoir vraiment moduler mon métier comme je le souhaitais.

Journaliste : Vous craigniez l’ennui ?

Philippe : Ce n’est pas que je craignais l’ennui mais je voulais quelque chose qui me permette de toujours me remettre un petit peu en avant, d’essayer de me remettre un petit peu en cause, de pouvoir évoluer, de pouvoir réfléchir, de pas avoir une stagnation au sein de mon métier.

Journaliste : Est-ce que c’est important de se mettre au service des autres, du public ?

Philippe : Tout à fait oui, c’est important d’être à l’aide vis-à-vis des autres, d’être à l’écoute vis-à-vis de d’autres personnes. Avoir un échange avec d’autres personnes c’est aussi important, de voir une évolution aussi c’est quelque chose qui est engageant. 

Journaliste : Le travail d’un infirmier ça consiste en quoi exactement ? On imagine que vous êtes généraliste, que vous vous occupez un peu de tout ?

Philippe : Le travail d’un infirmier c’est être en contact avec différentes personnes. On est en contact avec le patient, le patient avant tout mais aussi tout ce qui entoure le patient. Donc il y a aussi tous les intervenants. On fait le lien avec le médecin, avec le chirurgien, avec d’autres spécialistes, avec la diététicienne, la nutritionniste… c’est vraiment très large. 
Donc il y a cette partie-là et puis aussi tout ce qui englobe le patient donc prendre en charge sa douleur, évaluer son état général, c’est vraiment prendre soin du patient, être à l’écoute aussi du patient. 

Journaliste : Vous restez vigilant en permanence ? 

Philippe : On peut dire que c’est une vigilance de tout instant parce qu’un patient à l’instanté peut être très bien et 5 minutes après malheureusement il y a un organe qui est défaillant et le patient se dégrade. 

Journaliste : Et vous m’avez parlé de votre première nuit de garde, qui était un moment important pour vous. 

Philippe : Déjà travailler de nuit c’est un « autre monde », c’est-à-dire qu’on est seul dans le service. Il n’y a plus d’internes, plus de chirurgiens donc on est vraiment amenés à réfléchir à ce qu’on fait, à réfléchir à nos gestes, à nos actions. C’est vraiment une remise en cause de soi, ça demande une certaine réflexion parce que c’est nous qui sommes maîtres de nos actions, il n’y a personne pour rectifier, il n’y a personne pour « évaluer ». Voilà on est 2 dans le service donc il faut compter l’un sur l’autre en cas de problème et savoir quelle action mettre en œuvre s’il y a tel ou tel problème, savoir quelles sont les mesures à prendre, quelles sont les actions à mener pour pallier ce problème. 

Journaliste : C’est une ambiance particulière la nuit ? 

Philippe : Oui tout à fait c’est une ambiance particulière, bah déjà pour les patients la nuit il y a plus de bruits, il y a aussi les angoisses qui surviennent, il n’y a plus la famille qui est présente, il y a des patients qui ont aussi un rythme de sommeil inversé qui la nuit n’arrivent pas à dormir, donc il y a ça qui est un petit peu majoré. Et c’est vrai que pour nous il y a moins de personnel donc c’est vrai que c’est notre façon de travailler, on sait qu’il faut compter entre collègues s’il y a un problème.

Journaliste : C’est un travail d’équipe.

Philippe : Tout à fait c’est un travail d’équipe.

Journaliste : Comment ça s’organise une garde de nuit ? Vous vous faites combien de garde de nuit par semaine par exemple ?

Philippe : Par semaine c’est entre 3 et 4 nuits et donc par mois c’est 12 nuits. 

Journaliste : 12 nuits maximum 

Philippe : Non, en moyenne c’est 12 nuits par mois, ça peut être un petit peu moins en fonction des congés mais voilà normalement c’est 12 nuits par mois. 

Journaliste : C’est beaucoup ! Et une nuit ça dure combien d’heures ?

Philippe : Une nuit ça dure 12h donc nous c’est de 19h à 7h du matin.

Journaliste : Ce n’est pas un peu difficile à vivre, à gérer dans sa vie personnelle ce genre de programme ?

Philippe : Au début c’est vrai qu’il faut trouver une certaine mesure, il faut trouver un juste milieu pour essayer de ré équilibrer un peu sa vie sociale, sa vie familiale, et au fur et à mesure du temps on trouve un équilibre qui se passe très bien. 

Journaliste : Philippe, quels conseils peut-on donner à une personne qui s’apprête à faire sa première nuit de garde ?

Philippe : Il faut se dire que ce n’est pas parce qu’on travaille de nuit que le travail va être plus intense, plus stressant. C’est gratifiant de travailler de nuit mais après voilà c’est la suite du travail de nos collègues de jour. 
C’est se faire confiance, il ne faut pas se mettre un stress supplémentaire, il faut travailler comme on travaillerait en journée, réfléchir à ses actions, programmer et planifier ses actions et après ça va aller au fur et à mesure. 

Journaliste : Comment vous gérez vous ces horaires décalés ?

Philippe : Comment je gère, bah après c’est un rythme de vie que j’ai appris au fil du temps. C’est trouver un équilibre de sommeil qui permet de pouvoir tenir le coup sur cette durée. 

Journaliste : Est-ce que ce n’est pas un peu difficile de gérer ses émotions quand on est face à des patients ?

Philippe : On apprend. On apprend au fur et à mesure du temps à gérer ses émotions. C’est vrai qu’au début ça peut être difficile.

Journaliste : Au début, c’est-à-dire ? Pendant les premières années ?

Philippe : Je dirais pas les premières années mais voilà les premières semaines, les premiers mois c’est vrai que certains états cliniques de patients c’est un petit peu dur, ça peut être un petit peu dur psychologiquement, après on peut aussi avoir des flash par rapport à sa propre famille, mais au fur et à mesure du temps on apprend à faire une rupture entre sa vie sociale et le travail et on apprend à avoir un juste milieu entre le patient et nous, afin qu’il n’y ait pas trop d’affecte au fur et à mesure du temps.

Journaliste : Vous arrivez à rentrer chez vous de manière relâchée ?

Philippe : Oui voilà, quand je rentre chez moi j’essaie de faire cette rupture. 

Journaliste : Est-ce qu’on s’attache à un patient parfois ? Est-ce qu’il peut devenir un ami ? 

Philippe : Pour certains patients il y a une relation qui se passe mieux que par rapport à d’autres patients. Ça après c’est comme ça, c’est spontané, après on essaie de garder quand même une certaine distance. C’est-à-dire qu’à l’extérieur on ne garde pas de contact avec les patients. 

Journaliste : Qu’est-ce que vous diriez à quelqu’un qui voudrait devenir infirmier aujourd’hui ?  

Philippe : Être infirmier c’est déjà avoir un bon contact, savoir échanger avec d’autres personnes c’est-à-dire savoir maîtriser ses émotions, savoir communiquer avec l’autre personne, c’est aussi avoir de la patience, être à l’écoute…

Journaliste : De l’empathie peut-être ?

Philippe : De l’empathie aussi dans une certaine mesure. De toute façon on apprend au fur et à mesure du temps à trouver cet équilibre au niveau de l’empathie.

Journaliste : Quand vous quitterez ce métier, quels sont, à ce jour, les deux ou trois souvenirs les plus forts ?

Philippe : Les souvenirs les plus forts c’est un peu dur à dire mais c’est vrai que le premier décès d’un patient ça reste quand même en mémoire, en plus c’était une personne qu’on a suivi pendant des mois donc c’est vrai que ça reste toujours. Je me souviens par exemple d’un patient qui aimait faire des caricatures, donc des dessins en caricature, et qui nous avez tous un petit peu caricaturé dans par exemple une action ou un jour où on lui a dit telle chose, un patient qui nous avait vraiment dessiné dans une action au quotidien. 

Journaliste : Voilà, merci Philippe !

Philippe : Merci à vous !

Journaliste : Merci d’avoir été notre invité aujourd’hui. Nous nous retrouvons très bientôt avec d’autres invités dans Ma Vie Assurément, le podcast des métiers de la fonction public initié par GMF. 
 

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Épisode 2 - Militaires blessés: la reconstruction du corps et de l'âme

Ils s’appellent Gaëtan de Lavergne et Bertrand Pesquier, ils dirigent le CSINI, le Cercle Sportif de l'Institution Nationale des Invalides.

Cette association permet à des personnes en situation de handicap de se reconstruire au travers d’une activité sportive. Elle s’est rapidement ouverte aux civils même si le cœur de métier reste l’accueil des militaires blessés. Des dizaines de disciplines allant de la natation, au ski alpin en passant par le vélo aident les personnes qui ont besoin de s’en sortir…

Ce que Gaëtan et Bertrand cherchent à travers cette action, c’est redonner confiance, par le biais du sport. Tant aux personnes blessées physiquement que psychologiquement. Les rassurer, les motiver, « Malgré la perte de leurs capacités physiques, ils sont toujours des hommes, des femmes, des parents, des militaires… avec encore énormément de choses à accomplir ». 

Journaliste
Bienvenue dans le Podcast Ma Vie Assurément, proposé par GMF, qui met à l’honneur les agents du service public.
Ils s’appellent Aziz, Sylvain, Philippe ou Céline, et ils œuvrent chaque jour pour aider les autres. Aujourd’hui, nous partons à la rencontre de Gaetan de Lavergne et Bertrand Pesquier, respectivement président et directeur du CSINI, le Cercle Sportif de l’Institution Nationale des Invalides. 
Bonjour !

Gaetan de Lavergne et Commandant Pesquier : Bonjour :

Journaliste : Alors, Gaetan de Lavergne, expliquez-nous le fonctionnement et les missions de cet organisme ?

Gaetan de Lavergne : Alors, le CSINI c’est une association type loi 1901 qui a été créée il y a un petit peu plus de 50 ans, en 1966. Elle a pour vocation de permettre à des personnes handicapés moteurs, déficients visuels ou auditifs, de se reconstruire en pratiquant une activité sportive adaptée à leur handicap. 

Journaliste : Alors ce qu’il faut dire, c’est que c’est l’un des plus importants clubs de la Fédération Française Handisport.

Gaetan de Lavergne : Alors, c’est l’un des plus importants. Historiquement c’est l’un des tout premiers. Et en nombre d’adhérents effectivement, je pense que le CSINI est le plus important de la Fédération Française de Handisport. 

Journaliste : 400 adhérents à peu près ?

Gaetan de Lavergne : A peu près 400 adhérents. 

Journaliste : Comment est né l’organisme ?

Gaetan de Lavergne : C’est né aux Invalides, aux Invalides il y a un hôpital qui accueillaient des militaires blessés.

Journaliste : On parlait des gueules cassées à l’époque ? 

Gaetan de Lavergne : On pouvait parler des gueules cassées, et cette population de blessés qui était jeune (une vingtaine d’années) avait beaucoup d’énergie à revendre et c’est là qu’un petit noyau à penser à mettre les activités sportives dans les programmes de rééducation. 

Journaliste : Alors 400 adhérents, essentiellement des civils, et pourtant vous êtes une émanation du milieu militaire. 

Gaetan de Lavergne : Alors très rapidement, les militaires qui étaient à l’origine de cette association ont compris qu’il fallait ouvrir ces activités à toutes les personnes handicapées qui le souhaitaient. C’est pour cela que dès le départ, les civils sont devenus très rapidement majoritaires et aujourd’hui c’est le cas. 

Journaliste : Alors Commandant Pesquier, on dit Commandant Pesquier ?

Commandant Pesquier : C’est ça.

Journaliste : Vous êtes un militaire.

Commandant Pesquier : Oui.

Journaliste : Quelles sont les disciplines qui sont proposées par le Cercle Sportif ?

Commandant Pesquier : Alors le Cercle Sportif de l’Institution Nationale des Invalides est un club multisports qui propose une dizaine de disciplines. Les plus importantes étant l’escrime, le tennis de table et la natation. Mais nous pratiquons également la musculation, la sarbacane, le vélo, le ski alpin, le ski de fond et j’en passe. 

Journaliste : Et alors le CSINI a des équipements sportifs sous la coupole des Invalides ?

Commandant Pesquier : Alors pas sous la coupole parce que comme vous le savez la coupole elle est prise par un illustre personnage.

Journaliste : Par un petit bonhomme !

Commandant Pesquier : C’est ça (rire), et c’est également une acropole militaire. Mais effectivement dans les Invalides qui sont très vastes, nous disposons d’un local que nous avons transformé comme les prédécesseurs ont transformés au fil des années, un gymnase multisports. 

Journaliste : Un gymnase de 300 mètres carrés ?

Commandant Pesquier : C’est ça, de 300 mètres carrés, que nous adaptons selon l’activité, on démonte des matériels pour en mettre d’autres en place. 

Journaliste : Et en ce qui concerne l’encadrement, vous disposez d’un encadrement spécialisé ?

Commandant Pesquier : C’est ça, tout le personnel hormis le secrétariat du Cercle Sportif des Invalides est composé de militaires ou de civils mais qui sont tous moniteurs de sport et avec des spécialités handisports bien évidemment. 

Journaliste : Alors à quel moment vous intervenez et quelles sont vos actions ? 

Commandant Pesquier : Initialement le Cercle Sportif des Invalides a été créé pour faire de la reconstruction par le sport au profit des militaires blessés. Certes nous accueillons très volontiers de nombreux civils en situation de handicap mais notre cœur de métier, ce pour quoi nous existons au départ…

Journaliste : C’est le cœur de cible.

Commandant Pesquier : Voilà, le cœur de cible c’est vraiment l’accueil des militaires blessés pour les aider à se reconstruire après la blessure et souvent malheureusement après le handicap qui résulte de la blessure. 

Journaliste : Alors comment ça se passe, ils vous appellent ? Ils vous appellent à l’aide ?
Grâce à nos compétences et à notre implication nous avons acquis un privilège rare, nous sommes la seule association qui propose de la reconstruction par le sport, labelisée par le ministère des Armées. 
De ce fait, nous travaillons main dans la main avec les 3 armées et la gendarmerie, qui eux nous envoient leurs blessés qui sortent de leur parcours de soin pour que nous les prenions en main pour faire de la reconstruction par le sport. 

Journaliste : Votre mission à vous c’est de redonner confiance, de rassurer, de motiver ?
Commandant Pesquier : C’est ça, la reconstruction par le sport c’est redonner confiance au blessé, re socialiser le blessé, lui prouver que malgré la perte de ses capacités physiques qui sont importantes pour un militaire qu’il est encore un homme ou une femme et qu’il peut encore faire pleins de choses, d’être non seulement peut-être encore un militaire mais aussi tout simplement un père, un frère, un fils…

Journaliste : Et un sportif performant. 

Commandant Pesquier : Et un sportif performant. Le sport, on le sait, va faire du bien au corps et à l’âme mais en plus va redonner confiance. Et si ensuite, il s’avère que cette personne a des capacités, pourquoi pas un jour à terme, l’orienter vers l’armée des Champions, mais ça ce n’est pas notre métier à nous, nous c’est vraiment la reconstruction. 

Journaliste : Ça signifie quoi redonner confiance, rassurer, motiver, reconstruire par le sport ? Concrètement, quand quelqu’un arrive chez vous pour la première fois, comment vous lui parlez, qu’est-ce que vous lui proposez ?

Commandant Pesquier :  En fait, on va proposer des activités accessibles à son handicap, qu’il soit temporaire ou définitif. Le plus dur c’est de le faire venir car quand on a subi un tel traumatisme, un traumatisme de la blessure qui est souvent violent par définition, la confiance a complètement disparu, on ne se sent plus le même homme, on ne se sent plus homme à part entière, je dis homme avec un grand H puisqu’il y a aussi des femmes bien sûr. 
Notre travail à nous ça va être de le faire venir et de lui proposer petit à petit, pas à pas, les activités qu’il pourra faire et regagner la confiance peu à peu. 

Journaliste : De lui prouver qu’il peut faire mieux que ce qu’il croit.

Commandant Pesquier : Lui prouver qu’il y a encore pleins de choses possibles, peut-être pas toutes les choses qu’il faisait avant mais qu’il y a encore pleins de possibilités. On peut faire faire du sport à toute personne en situation de handicap quelque soit son handicap. 

Journaliste : Vous avez vocation à les diriger vers la compétition ?

Commandant Pesquier : Non, nous on fait vraiment de la reconstruction par le sport. D’ailleurs la compétition ça reste important mais ça reste à la marge, quand ce sont des militaires on les oriente vers l’armée des Champions justement ou le Centre National des Sports de la Défense dont c’est vraiment le cœur de métier. Nous c’est la reconstruction, redonner confiance par le sport.

Journaliste : Gaetan de Lavergne, vous avez dans vos équipes, dans votre écurie, des gens qui sont devenus des champions. 

Gaetan de Lavergne : Oui, on a notamment une section escrime qui est une pépinière de champions paralympiques et actuellement on a 2 sportifs, 2 athlètes qui se préparent pour participer aux Jeux de Tokyo, et on a en particulier Yannick. 

Journaliste : Alors Yannick Ifebe, histoire extraordinaire !

Gaetan de Lavergne : Alors Yannick c’est un peu l’exemple qu’on cite, puisque Yannick a commencé l’escrime au CSINI à l’âge de 8 ans et qu’il a franchit toutes les étapes qui lui ont permis d’être sélectionné en équipe de France pour les Jeux de Rio en 2016, et il est revenu du Brésil avec une médaille d’or autour du cou.

Journaliste : Qu’est-ce qui lui ait arrivé ?

Gaetan de Lavergne : Yannick a été victime d’un accident médical quand il avait quelques mois, et il est paraplégique depuis son plus jeune âge. 

Journaliste : Alors l’armée des Champions, on dirait un titre de film, de quoi s’agit-il ?

Gaetan de Lavergne : L’armée des Champions c’est la formule qui a été trouvée par le ministère de la Défense pour regrouper tous les sportifs de haut niveau qui concourent à ramener les médailles dans tout un tas de disciplines et qui ont un statut de contractuel de la défense. 

Journaliste : Bertrand, d’autres exemples de sportifs qui ont été ainsi recrutés par l’armée ?

Commandant Pesquier : Oui l’armée des Champions recrute de nombreux sportifs, le plus connu étant sûrement Martin Fourcade qui fait toujours parti des troupes de montagne.

Journaliste : Vous vous êtes liés à certaines personnes ? Vous avez des souvenirs de gens qui vous ont particulièrement marqués ?

Commandant Pesquier : Oh oui mais là quand je pense à eux ça en est même émouvant, parce qu’effectivement il y a des gens qui, après coup, après avoir participé à notre stage ou à des actions de reconstruction avec nous, nous ont dit que « voilà il a fallu que vous me sortiez de ma grotte mais je crois que si vous ne l’aviez pas fait, si je n’étais pas finalement venu je ne serais plus de ce monde », et il le dit au sens propre enfaite. 
Donc ça évidemment quand on arrive à ça c’est formidable, ou quand on a à faire à quelqu’un qui ne dit quasiment même plus un mot parce qu’il est touché par ce qui lui ait arrivé et qu’à la fin d’un stage il a les yeux qui brillent en nous disant au revoir et qu’il nous fait un discours d’adieu, là on a gagné, on a rempli notre mission. 

Journaliste : Commandant Pesquier, est-ce qu’on peut donner des recommandations, des conseils aux futurs militaires qui viendront vous demander de l’aide ?

Commandant Pesquier : N'hésitez pas à franchir le pas, de venir nous rejoindre. C’est notre principal problème, ils n’osent pas souvent, on a beau les encourager ils n’osent pas, ça leur fait peur un milieu inconnu, ils ont déjà subi un gros traumatisme, voilà. 
Si un jour malheureusement, vous, mes camarades militaires êtes blessés, une fois que vous serez remis d’un point de vue de la santé, venez nous voir on a beaucoup à vous apporter, beaucoup à vous offrir et c’est notre mission et notre honneur de le faire.

Journaliste : 
Merci Bertrand Pesquier, merci Gaetan de Lavergne, quant à nous, nous nous retrouvons très bientôt dans Ma Vie Assurément, le podcast des métiers de la fonction publique initié par GMF. 

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Épisode 1 - L'odyssée de Marine en ULIS

Si Marine avait choisi de devenir enseignante, elle n’avait pas prévu de le faire auprès d’enfants en situation de handicap. Cela fait maintenant trois ans et Marine ne regrette pas le moins du monde ce chemin qui s’est offert à elle.

Elle travaille pour le dispositif Ulis qui aide des enfants handicapés et a créé une réelle cohésion entre eux : « Les enfants s’aident, se portent, les différences permettent d’évoluer humainement… ». Entourée des bonnes personnes, Marine leur donne les clés pour qu’ils s’adaptent au monde « ordinaire ». Sa plus grande victoire : les voir se débrouiller dans les gestes les plus simples de la vie de tous les jours... 

Journaliste
Bienvenue dans le Podcast Ma Vie Assurément, proposé par GMF, qui met à l’honneur les agents du service public.
Ils s’appellent Aziz, Sylvain, Philippe ou Céline, et ils œuvrent chaque jour pour aider les autres. Aujourd’hui, nous partons à la rencontre de Marine Biau, professeure des écoles, elle a 25 ans.
Bonjour !

Marine : Bonjour !

Journaliste : Question traditionnelle dans cette émission, est-ce que Marine, vous vous souvenez pourquoi et quand avez-vous décidé de devenir professeur des écoles ? (On ne dit plus institutrice, quel dommage)

Marine : C’est ça. J’ai décidé de devenir professeur des écoles à l’issu de ma licence de lettres modernes appliquées. J’ai toujours été très attirée par le milieu scolaire. Au début je voulais me tourner vers l’édition. Finalement je me suis dit que j’avais vraiment envie d’agir pour les enfants et être au plus près d’eux, sur le terrain. Alors je me suis dit voilà, autant se tourner vers le métier de professeur des écoles plutôt que l’édition. 

Journaliste : Alors vous avez eu une première affectation qui a quand même changé votre vie.

Marine : Oui c’est vrai ! Puisque je me suis retrouvée en première affectation sur un dispositif ULIS, qui est un dispositif pour les enfants en situation de handicap. 

Journaliste : Une unité localisée pour l’inclusion scolaire ?

Marine : Exactement.

Journaliste : C’est-à-dire que c’est une classe avec des enfants en situation de handicap mais dans un collège habituel ?

Marine : Oui dans une école habituelle, mais maintenant on ne parle plus de classe mais essentiellement de dispositif puisqu’on est pour l’inclusion scolaire. Je suis là pour les aider au quotidien, à être au mieux justement, dans leur classe.

Journaliste : Alors ces élèves ils sont atteints de quels types de troubles ?

Marine : Alors c’est assez variable, puisque je suis sur une ULIS trouble de la fonction cognitive, donc on peut avoir essentiellement, de la déficience, on peut aussi avoir de l’autisme, des troubles envahissant du développement… C’est vraiment un panel très varié. 

Journaliste : Alors comment vous êtes arrivée dans une classe de ce type ?

Marine : Alors absolument sans le vouloir ! Il faut savoir que quand on est jeune enseignant, on est classés par âge et par point, et que les enseignants qui n’ont pas beaucoup de points se retrouvent en bas du classement. En plus, j’étais très jeune donc j’étais très bas dans le classement.

Journaliste : Alors pourquoi aviez-vous un mauvais classement ?
Marine : Ce n’est pas un mauvais classement enfaite, chaque enseignant qui débute sa carrière commence avec 0,75 points, c’est la règle. Donc on commence tous avec le même nombre de points, sauf si on a des enfants ou qu’on est sportif de haut niveau, ce qui nous fait accumuler des points en plus. Et chaque année on prend un point en plus. Donc au début, on commence tous à 0,75 points, de ce fait tous ceux qui ont plus de points nous passent devant au moment de choisir son poste. Et en plus, dans tous ceux qui ont 0,75 pts on est classés par âge, donc les plus jeunes en bas et les plus âgés en haut. 

Journaliste : Et vous commenciez votre carrière d’enseignante !

Marine : Exactement, puisque c’était ma première année et je me suis retrouvée du coup en mise à disposition sur le secteur ASH, dédié aux personnes en situation de handicap, et on m’a appelé en me demandant si je voulais prendre en charge une ULIS. 

Journaliste : Vous n’avez jamais été professeur, vous n’avez jamais pratiqué, la rentrée vient d’avoir lieu, vous arrivez dans une classe, vous acceptez un poste et vous arrivez au milieu d’une classe de jeunes personnes qui sont autistes, qui ont des problèmes moteurs… comment ça se passe ?

Marine : C’est compliqué puisqu’on a juste l’année de stagiaire avant mais à mi-temps ou encadré par des professionnels donc c’est pas du tout le même contexte. C’est assez perturbant, j’avoue que les premiers jours je me suis beaucoup remise en question et je me suis demandé pourquoi j’étais là et comment j’allais tenir l’année. Et puis finalement je suis encore là 3 ans après.

Journaliste : Vous n’avez pas eu envie de fuir ?

Marine : Alors au début il y a la première étape où on est contents qu’on nous appelle pour nous proposer un poste, puisqu’il faut savoir qu’on est dans l’incertitude et que l’on ne sait jamais si on va réellement avoir quelque chose. Puis passer cette étape du soulagement de « je vais avoir ma classe », on se retrouve très inquiet et là vraiment on se dit « bah non je ne vais pas y aller » (rire). Et le lendemain quand on les rencontre au début on se dit « non je ne sais pas, je ne peux pas les aider, je ne sais pas quoi faire… ». 

Journaliste : « Je n’y retourne pas » !

Marine : C’est ça, « non je ne vais pas y retourner », je suis rentrée plusieurs soirs en me disant « non je ne vais pas y retourner ». Ce n’est pas qu’ils soient pas adorables ou pas attachants, mais c’est juste que je ne voyais pas comment je pouvais, moi, les aider. 

Journaliste : Ces élèves, en quoi ils sont particuliers ? Qu’est-ce qu’il se passe quand on arrive dans une classe de ce type ? 

Marine : Ils sont particuliers puisqu’ils ont des besoins qui sont spécifiques, qui sont complètement différents de ceux des élèves qu’on appellent « ordinaires ». Ils n’ont pas la même manière d’apprendre, ils ont pas les mêmes besoins au niveau du temps, de l’espace, il y a beaucoup d’aménagements à prendre en compte, et pour lesquels on n’est pas formés enfaite. 

Journaliste : C’est une drôle d’expérience vous n’avez pas eu envie de changer de métier un petit peu ?

Marine : Ah si, parce que je me suis dit « non non moi je suis pas du tout prête pour ça, ce n’est pas pour ça que j’avais signé », et puis finalement on se rend compte que quand même on peut s’accrocher et se débrouiller tout seul mais c’est vrai que c’est compliqué d’arriver à cette conclusion. 

Journaliste : Vous rentrez chez vous en pleurs ?

Marine : Oui ça m’est arrivée effectivement, après 2-3 altercations assez violentes. Heureusement ce n’était pas le quotidien non plus, parce que sinon je pense qu’on devient fous, qu’on démissionne et qu’on trouve un autre métier. Mais oui ça m’ait arrivée de vraiment ne plus savoir que faire. 

Journaliste : Et vous avez eu peur pour vous ?

Marine : Peur pour moi non parce que voilà j’étais entourée, donc physiquement je savais que je ne risquais rien puisqu’on a les collègues, l’équipe… après c’est plus psychologiquement que je me dis « non je ne sais pas prendre le recul nécessaire » et forcément ça nous atteint en tant que personne.

Journaliste : On ne sait pas mettre la distance au départ c’est ça ? 

Marine : C’est ça, c’est un métier où c’est compliqué de mettre de la distance entre le professionnel et l’humain, puisqu’on côtoie des enfants tous les jours.

Journaliste : Alors comment vous vous en êtes sortie, vous vous êtes fait aider ?

Marine : Oui je me suis faite aider, je pense que l’essentiel c’est vraiment de s’entourer correctement, des bonnes personnes, de ne pas hésiter à aller vers ses collègues, à prendre contact avec des gens qui sont formés. Je pense qu’il ne faut pas oublier pourquoi on est là, rester très motivé, ne pas hésiter à chercher des ressources sur internet, auprès des autres ou dans des livres. Et puis je pense qu’il faut aussi être capable de se remettre en question, de se dire « voilà je ne sais pas ce que je fais là, je ne sais pas quoi faire mais comment je peux essayer de le faire correctement ? ».

Journaliste : Quels âges ont les enfants avec qui vous travaillez aujourd’hui ?

Marine : Aujourd’hui les enfants avec qui je travaille vont du CP au CM2, donc on peut avoir des enfants qui ont 6 ans jusqu’à des enfants qui peuvent avoir 11-12 ans, puisqu’il faut savoir qu’on a une tolérance au niveau du redoublement pour ces troubles-là. 

Journaliste : C’est la règle dans les ULIS, les unités localisées d’insertion. 

Marine : C’est ça, on accueille tous les enfants sur une école, peu importe l’âge ils peuvent être mis en ULIS. 

Journaliste : Ça ne pose pas des difficultés particulières pour le pédagogue que vous êtes ?

Marine : C’est beaucoup d’organisation puisqu’on a des enfants qui, en plus d’avoir des troubles spécifiques qui leur sont propres, ont en plus des âges et des attentes qui sont différentes. Donc il faut vraiment réussir à jongler avec tout ça. La plupart du temps, on travaille par petits groupes, par niveaux, on essaie de faire en sorte qu’un enfant ne travaille jamais seul car entre eux ils s’apportent beaucoup, ils arrivent à se pousser, à se faire évoluer. Puisque là où l’un a des difficultés, l’autre n’en a pas forcément, ducoup ça leur permet vraiment de se porter. Même souvent les plus grands vont aider les plus petits, on fonctionne beaucoup comme ça, on fonctionne en général on a 3 petits groupes qu’on dirige, puisque j’ai une aide humaine présente avec moi. 

Journaliste : Ça veut dire que vous quand même vous multipliez les difficultés, vous êtes dans une classe de gens qui n’ont pas le même âge et qui sont multi-handicap, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas les mêmes faiblesses et pas les mêmes forces. 

Marine : Oui mais je pense que ça permet de coopérer, de travailler ensemble et de tous évoluer ensemble. Parce que oui ils évoluent individuellement mais ils évoluent aussi en tant que groupe donc ça les fait aussi évoluer humainement enfaite parce qu’en plus d’acquérir des compétences scolaires ils acquièrent aussi des compétences humaines, des compétences qui vont leur servir dans la vie de tous les jours. Et donc ça c’est vraiment ce qu’il y a de plus important pour eux. 

Journaliste : Donc ça devient une force ! C’est-à-dire que les forces de l’un compensent les faiblesses de l’autres, ils s’entraident.

Marine : Exactement et ça leur permet de s’adapter aussi dans leur classe « ordinaire » puisque c’est des enfants qu’on essaie de faire basculer en inclusion le plus possible. Moi je leur donne les clés pour progresser, pour être capable de se débrouiller seul ou du moins être le plus autonome possible pour qu’ensuite ils puissent s’adapter à un milieu qui est dit « ordinaire », qui ne prend pas en compte leurs troubles. 

Journaliste : Votre rôle, votre mission, c’est d’essayer de faire en sorte que ces enfants puissent intégrer des classes habituelles par la suite ?

Marine : Oui, après voilà, on sait que c’est quelque chose qui reste compliqué à l’heure actuelle puisqu’il faudrait que tout le monde soit formé et soit capable en plus de ses 26 élèves, d’accueillir des enfants qui ont des besoins spécifiques. Mais voilà notre but principal est que ces enfants puissent se débrouiller dans la vie de tous les jours. Moi, je veux pouvoir me dire que mon élève a toutes les clés pour pouvoir par exemple, aller faire ses courses, aller au restaurant avec sa famille, qu’il ne soit pas en difficulté au quotidien.  

Journaliste : A propos de la famille, comment se passe vos relations avec les parents de ces enfants ? 

Marine : Très bien, alors il faut savoir que c’est des parents qui souvent, sont beaucoup plus inquiets que les autres parents puisqu’ils sont déjà confrontés aux difficultés de leur enfant. Ils ont souvent l’habitude qu’à l’école on leur dise que ça ne va pas. Le chemin pour arriver en ULIS est compliqué puisqu’il faut que l’on fasse un dossier, qu’on leur explique que leur enfant est handicapé, ce qui souvent est un gros refus. 

Journaliste : Pourtant ils sont au courant. 

Marine : Ils sont au courant mais souvent c’est l’école qui alarme en premier et qui demande à ce que les démarches soient faites. Il y a toujours un temps pour l’accepter, moi j’ai des parents des fois qui me disent « bon d’accord il fait une année en ULIS mais après est-ce qu’il va en sortir ? ». 

Journaliste : Ah. 

Marine : Et ça c’est compliqué.

Journaliste : Le but c’est d’être ailleurs.

Marine :  C’est ça pour certains. Après c’est un gros travail qu’on fait avec eux, pour leur expliquer qu’on est là vraiment pour aider leurs enfants comme élèves et pas les stigmatiser. 

Journaliste : Est-ce que ça demande une organisation particulière dans la classe ? Est-ce que vous avez des équipements spéciaux ? 

Marine : Oui, il faut savoir que les ULIS reçoivent un budget particulier en général des mairies, qui est souvent assez élevé, pour pouvoir acheter du matériel spécialisé que ce soit des chaises adaptables, des tables, des crayons ergonomiques pour leur permettre d’écrire plus facilement, des outils comme les timeurs pour chronométrer le temps pour qu’ils sachent où ils en sont dans la tâche…

Journaliste : Pourquoi c’est important pour l’enfant de savoir..?

Marine : Ah oui, c’est des enfants qui ont besoin de se repérer aussi bien dans le temps que dans l’espace. Donc vraiment toute la salle doit être pensée pour eux, avec des coins pour se reposer, des petites bibliothèques, des endroits où ils ont leur rituel de dates (on arrive en classe on coche sa petite étiquette…), il faut que ce soit un endroit rassurant, structuré et surtout très ritualisé. 

Journaliste : Et la personne qui s’adapte le plus finalement, c’est vous ? 

Marine : Oui, je pense que tous les jours on doit trouver de nouvelles idées parce que ce qui marche un jour ne marchera pas forcément le jour d’après donc il faut être capable d’avoir une adaptabilité assez poussée, de se remettre en question et de ne jamais prendre quelque chose pour acquis. 

Journaliste : Aujourd’hui, vous faites quoi ? 

Marine : Alors aujourd’hui j’en suis à ma troisième année sur une classe d’enfants en situation de handicap et du coup je compte même me spécialiser puisque j’ai fait une demande de départ en formation qu’on appelle « CAPPEI » pour devenir enseignante spécialisée. 

Journaliste : Très bien, qu’est-ce que vous espérez et quels sont les bonheurs ?

Marine : Le bonheur c’est tout simplement de les voir heureux, épanouis, de les voir progresser puisque c’est des enfants pour qui chaque petite réussite c’est pour eux quelque chose d’énorme, même pour les parents puisque le rapport aux familles est très important. Surtout pour ces enfants-là qui la plupart du temps ont un rapport à l’école compliqué. Donc les voir évoluer, réussir, les voir parler, puisque des fois on a des enfants qui ne parlent pas, c’est juste incroyable. 

Journaliste : C’est ça qui est le plus gratifiant pour vous ? C’est de leur faire faire quelques petits pas ?

Marine : Oui c’est ça, c’est de leur faire faire quelques petits pas qui pour eux sont très importants. Moi j’ai un élève qu’il y a deux ans ne parlait pas ou me disait « oui », « non » tout simplement et qui maintenant nous tient des discours, parle à tout le monde dans l’école, et ça je pense que c’est la plus belle des réussites. 

Journaliste : Qu’est-ce que ça apporte de travailler avec ce type de profils ? 

Marine : Je pense que ça apporte beaucoup et que ça apporte surtout beaucoup de tolérance au quotidien puisqu’on se rend compte de la chance qu’on a et des difficultés que certains rencontrent. Je pense que ça nous change un peu notre regard qu’on a sur les autres, sur tout ce qui nous entoure et ça nous fait beaucoup relativiser. 

Journaliste : Qu’est-ce qu’on peut donner comme conseils, si vous aviez des conseils à donner à des gens qui voudraient rejoindre des classes de ce type ?
Marine : Je pense que le conseil que je peux donner c’est de vraiment tenter l’expérience si on en a envie, de s’accrocher, de bien s’entourer et d’oser le faire parce que je pense qu’on n’est jamais assez formés pour ce type de poste mais il faut oser y aller parce que c’est vraiment une belle expérience. 

Journaliste : 
Eh bien merci Marine ! Nous nous retrouvons très bientôt dans Ma Vie Assurément, le podcast des métiers de la fonction publique initié par GMF.
 

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