Égalité femmes-hommes : les données chiffrées manquent

Grande cause du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, l’égalité entre les femmes et les hommes a-t-elle enregistré des progrès notables ? Membres de l’association Dirigeante et Territoire, Stéphanie Portier, directrice générale déléguée métropole de Montpellier et Nans Mollaret, ancien président de l’ACTAS (Association des cadres territoriaux de l’action sociale) et consultant auprès des collectivités territoriales, dressent leur bilan.

Quel est l’état des lieux de l’égalité entre les femmes et les hommes dans les zones prioritaires des grandes aires urbaines, les milieux ruraux et les territoires ultramarins ?

Stéphanie Portier. Ces différents territoires partagent un point commun : l’invisibilisation des femmes. Dans les QPV [Quartiers prioritaires de la politique de la ville], cela concerne d’abord l’occupation de l’espace public. En milieu rural, ce sont plutôt les difficultés liées à la mobilité et à l’accès aux services publics. Quant à l’outre-mer, le problème majeur reste les violences faites aux femmes où le nombre de féminicides a doublé entre 2020 et 2021.
 

Des budgets et indicateurs genrés liés aux politiques publiques devraient être systématiquement mis en place
Stéphanie Portier Stéphanie Portier, membre de l’association Dirigeante et Territoire, directrice générale déléguée métropole de Montpellier

Quelles actions significatives ont été menées dans ces territoires ?

S.P. On observe des avancées. En témoignent les marches exploratoires organisées dans les QPV et préconisées par l’association Genre et Ville pour repérer les fragilités en termes d’occupation de l’espace public mais aussi l’accompagnement social ou économique différencié avec des ateliers spécifiquement dédiés aux femmes (insertion professionnelle, accès à la citoyenneté...) ou encore l’accès facilité des plannings familiaux.
Nans Mollaret. La volonté politique est là avec un Secrétariat d’État, des budgets plus conséquents notamment en matière d’hébergements d’urgence et, au niveau des collectivités territoriales, des dispositifs de nomination plus équilibrés avec la loi de transformation de la Fonction publique de 2019.

 

Quels sont les progrès les plus notables ?

S.P. Dans les QPV, un travail est mené sur l’accès aux pratiques sportives. Des programmes de pépinières d’entreprises commencent à s’adresser spécifiquement aux femmes dans ces quartiers. Dans les programmes scolaires, une place plus importante est donnée à l’égalité des genres et à la sensibilisation au harcèlement.
N.M. Récemment un maire des Yvelines, pas particulièrement sensibilisé à ces questions, m’a confié qu’il avait intégré dans sa politique l’aménagement des cours d’école pour un meilleur partage de l’espace entre filles et garçons. C’est là où l’on voit que le mouvement est en marche.
 

Sans mesure d’impact précise, on laisse penser que les choses s’améliorent
Nans Mollaret Membre de l’association Dirigeante et Territoire, ancien président de l’ACTAS et consultant auprès des collectivités territoriales

Quelles sont les points d’amélioration et de blocage ?

S.P. Nous manquons de données chiffrées. Des budgets et indicateurs genrés liés aux politiques publiques devraient être systématiquement mis en place dans les territoires.
N.M. Pourquoi les rares chiffres disponibles ne sont publiés que deux ans et demi après que les collectivités les ont fournis ? Sans mesure d’impact précise, on laisse penser que les choses s’améliorent. C’est loin d’être le cas. Dans la Fonction publique, seuls 20 % des postes de direction générale des services sont occupés par des femmes et ces dernières ne sont que 28 % à intégrer le groupe des dix plus hautes rémunérations.
S.P. Onze millions de femmes vivent en milieu rural soit un tiers des femmes en France mais elles ne sont que 25 % à être chef d’exploitation.
N.M. Les jeunes femmes en milieu rural mènent des études moins longues et occupent des emplois plus précaires.
S.P. En matière d’accès aux soins, la médecine itinérante et surtout la télémédecine pourraient être un vrai levier. Dans les territoires outre-mer, il faut capitaliser sur les femmes car elles représentent un énorme potentiel pour le développement économique. Pour les élections, il faudrait imposer les listes paritaires à toutes les communes en faisant sauter le seuil actuel des 1 000 habitants. Il serait temps enfin de mener des campagnes de sensibilisation nationales mais aussi ciblées selon les caractéristiques de chaque territoire.
 

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