Ça a commencé vers l’âge de 24 mois. Basile était un petit garçon heureux, dégourdi, mais il parlait peu. Il avait du mal à articuler, à construire des phrases, à acquérir de nouveaux mots, à se faire comprendre, mais aussi à comprendre les autres. Très vite, ses parents en ont parlé à leur médecin de famille. Mais ce dernier leur a assuré qu’il ne fallait pas s’inquiéter. Il leur a dit que Basile avait simplement besoin d’un peu plus de temps que les autres et que les choses allaient s’arranger. Pourtant plus les mois passaient, plus le retard de Basile sur ses camarades s’accentuait. En CP, le jeune garçon a commencé à avoir des difficultés en lecture et dans toutes les activités d’écriture. En CE1 ses camarades se sont mis à se moquer de lui et à le mettre à l’écart. Et puis un jour, son enseignante a convoqué ses parents. Elle leur a parlé de dysphasie. Elle leur a conseillé d’aller voir un orthophoniste afin d’établir un diagnostic précis. Surtout, elle leur a dit que cela n’avait rien à voir avec les capacités intellectuelles de Basile, qu’il s’agissait d’un problème d'origine neurologique et que celui-ci pouvait être surmonté grâce à un accompagnement rigoureux.
La suite, c’est un « parcours du combattant » de deux ans, dû aux nombreux rendez-vous à prendre (généraliste, orthophoniste, psychologue, neuropsychologue, psychomotricien, ergothérapeute…) et aux délais d’attente entre chacun d’eux. Mais cette prise en main a porté ses fruits. Aujourd’hui, Basile est en CM1. Il se trouve au premier rang en classe. Il est accompagné d’une Accompagnante d'élèves en situation de handicap (AESH), qui l’assiste dans ses activités scolaires quotidiennes. Et il a deux séances de rééducation orthophonique par semaine. Grâce à cet accompagnement, il comprend désormais presque tout ce qu’on lui dit et il sait se faire comprendre des autres. Il s’est fait des copains et il a repris confiance en lui.
Combien sont-ils à souffrir - comme Basile au départ - de troubles de l’apprentissage non identifiés ? Sans doute beaucoup trop encore. L’Académie de médecine estime que 8 % des enfants d’âge scolaire ont des difficultés d’apprentissage et d’attention. Cela représente 1 à 2 enfants par classe. Parmi les troubles les plus fréquents : la dyslexie, la dyspraxie, la dyscalculie, la dysphasie, la dysorthographie, ou encore les troubles de l’attention (voir infographie).
De quoi s’agit-il ?
« L’imagerie médicale fonctionnelle a permis de comprendre que les réseaux neuronaux impliqués dans les apprentissages étaient imparfaitement développés chez les personnes atteintes de troubles de l’apprentissage et de l’attention. Ce qui entraîne un défaut d’automatisation de certaines tâches : lecture, écriture, calcul mental, faire ses lacets, etc. Dans le cerveau, cela se traduit par le recrutement d’autres aires cérébrales comme si l’enfant devait s’appuyer sur d’autres chemins neuronaux pour compenser cette hypo-activation, mais cela nécessite beaucoup d’efforts de leur part. D’où leur lenteur, leur très grande fatigabilité et leur difficultés scolaires », explique Dr Joël Fluss, neuropédiatre responsable d'un programme de troubles d'apprentissage scolaire aux Hôpitaux universitaires de Genève. Toutes les catégories sociales sont touchées. « S’il existe certains facteurs de risques susceptibles d’augmenter la prévalence et la gravité de ces troubles tels que prématurité, susceptibilité génétique, ces difficultés ne sont liées ni à un manque d’intelligence, ni à des troubles autistiques », précise-t-il. Ce qui varie en revanche, c’est la capacité à repérer ces troubles. Une étude a ainsi montré qu'il y avait beaucoup plus d'enfants dyspraxiques détectés à Versailles, ville plutôt favorisée socialement, qu'à Mantes-La-Jolie, ville plus défavorisée. « D’où la nécessité de former le personnel éducatif à repérer ces troubles et savoir les accompagner », précise le neuropédiatre. Et plus cela est fait rapidement, meilleur sera le résultat. Non seulement pour que l’enfant retrouve confiance en lui, reprenne goût à l’école et ne décroche pas scolairement, mais aussi parce qu’avec un suivi coordonné, certains parviennent ainsi à des niveaux de formation élevée : bac+3 et 5. Les « dys » célèbres se comptent d’ailleurs à la pelle. Parmi eux ? Albert Einstein.