Comment assurer la qualité de vie au travail du personnel soignant ? C’est une question d’organisation, de reconnaissance, mais aussi de lutte contre le stress et les discriminations. Le CHU de Bordeaux a lancé une démarche de qualité de vie au travail, en concertation avec les personnels.
Depuis le début de la crise de la Covid-19, l’engagement et les efforts accomplis par les personnels soignants ont été salués par le grand public. Pourtant, le quotidien intense, la charge de travail, le stress, et les autres risques psychosociaux à l’hôpital ne datent pas d’hier. « On aborde toujours la question du travail selon les deux versants : celui des risques psycho-sociaux, qu’on mesure et qu’on s’efforce de limiter. Mais on peut également agir avant que la souffrance n’arrive. C’est le versant positif de la montagne », explique Valérie Astruc, nommée directrice de la qualité de vie au travail au CHU de Bordeaux en mars 2020.
Logement, formations… et massages
« C'est d'autant plus important en cette période de Covid de proposer de manière concrète une offre regroupant tout un panel de services pour l'ensemble des 14 000 salariés du CHU (...). Nous voulons que la qualité de vie au travail devienne une véritable culture d'établissement », a assuré Yann Bubien, le directeur général du CHU de Bordeaux, à Hospimedia. Le champ est large, allant de logements pour le personnel hospitalier à la rénovation de la crèche, en passant par des dispositifs pour une meilleure égalité homme-femme ou des formations contre les discriminations.
Des partenaires des hôpitaux soutiennent également des opérations de bien-être, comme des séances de massages encouragées par GMF. « Tout l’enjeu est d’articuler des sujets essentiels avec de petites actions très concrètes », résume Valérie Astruc. « Bien entendu, des massages n’ont pas vocation à remplacer une bonne organisation du travail et des ressources suffisantes. Mais ils les complètent, en participant au bien-être et à la reconnaissance des soignants. »
Plus d’écoute et plus d’égalité
La Haute Autorité de Santé (HAS) et l’Agence nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail (Anact) ont uni leurs efforts pour suivre les démarches des différents établissements et leur proposer un cadre d’action qui donne la parole aux soignants concernés. Ainsi, la qualité de vie au travail est l’un des cinq axes majeurs du projet social du CHU de Bordeaux pour les cinq ans à venir, qui sera présenté aux partenaires sociaux en juin 2021.
Un groupe de travail, composé d’agents médicaux et non médicaux, encadrants ou non, représentants syndicaux ou non, a fait l’inventaire des mesures existantes et de ce qu’il fallait mettre en place. L’accord se dessine progressivement, assorti de mesures précises et budgétées : une organisation du travail moins verticale, qui associe mieux tous les soignants aux décisions ; une meilleure communication et une meilleure écoute ; et une stratégie pour l’égalité professionnelle afin d’inventer un nouvel hôpital où tous se sentent reconnus et écoutés.
3 questions à Valérie Astruc, directrice qualité de vie au travail au CHU de Bordeaux
Comment avez-vous construit votre approche ?
Nous écrivons notre nouvelle démarche ensemble. En pleine crise sanitaire, il n’était pas question de solliciter tout le monde avec de longues concertations abstraites, mais nous avons constitué un petit groupe de travail représentatif de tous les métiers, afin d’élaborer des actions concrètes, et réalisables à cinq ans.
Quelles sont vos priorités ?
La première, c’est d’organiser le travail en commun. Les établissements qui s’en sortent en mode Covid sont ceux où médecins, administratifs et soignants ont su mettre de côté leurs postures hiérarchiques et s’adapter ensemble. Il n’est plus question de changer la répartition des lits ou les horaires de visite sans consulter les chefs d’équipe, par exemple. Cette approche est appelée à perdurer.
Nous allons aussi repenser la communication interne, pour mieux informer tous les agents, même ceux qui n’ont pas de smartphones. Nous allons créer des espaces de discussion et de médiation pour que la direction soit au courant des problèmes et les résolve au plus tôt.
Le troisième grand sujet est celui de l’égalité professionnelle : mieux intégrer le handicap et lutter contre les discriminations, notamment par des formations qui rappellent ce qu’est un propos raciste, sexiste, et les droits de chacun. Il ne suffit pas de rédiger des plaquettes : il faut aller au-devant des agents pour changer les pratiques.
Que peut la qualité de vie au travail face au manque de moyens ?
Le fait d’avoir des effectifs suffisants, et une bonne organisation du travail, ne relève pas de la démarche de QVT en tant que telle, mais la démarche peut y contribuer en s’assurant que tout le monde participe aux décisions, soit entendu et respecté. Par exemple, nous allons consulter les personnels et veiller à l’ergonomie dans les grands travaux de rénovation de l’hôpital à venir. La charge de travail ressentie est moindre dans des locaux modernes et bien conçus.
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