Avec le projet e-sport LNX, l’armée française se lance dans les jeux vidéo

C’est en 2021 que l’idée a germé lors d’une discussion entre deux inconditionnels des jeux vidéo, Emmanuel Chiva, directeur de l’AID (Agence de l’innovation de défense), aujourd’hui Délégué Général pour l’Armement et Dorian Petey, alors président des Jeunes IHEDN (Institut des hautes études de défense nationale). « Nous souhaitions créer une structure qui puisse appuyer les initiatives émergentes en matière d’e-sport au sein des armées. Et ce, dans la perspective de dates clés à venir comme les Jeux Olympiques de 2028 où l’e-sport sera vraisemblablement devenu une discipline olympique. Pour bâtir des équipes performantes dans ce domaine, les armées sont un vivier idéal avec des profils tout à fait adaptés de jeunes attirés par la compétition », explique Dorian Petey.

L’idée est très vite retenue par le ministère des Armées. Le 26 novembre 2021, la ministre Florence Parly annonce, au Forum innovation Défense (FID) de Paris, le lancement du projet d’e-sport LNX (LNX comme Lynx, l’animal totem de l’AID). L’initiative est en effet portée par l’Agence mais aussi par les Jeunes IHEDN et le club d’e-sport de Montpellier MTP Esport. Le ministère supervise donc le projet mais n’apportera son soutien financier qu’au cas par cas. « Pour devenir un vecteur de coordination au service des armées afin de mener des projets en propre ou soutenir des initiatives existantes, LNX s’est constituée en association et compte surtout s’appuyer sur des sponsors », souligne Dorian Petey.

Après un an d’évangélisation au sein des armées mais aussi auprès de certains acteurs de l’e-sport réticents à voir ainsi la Défense s’immiscer sur leur terrain de jeu, LNX commence à se concentrer sur ses premières échéances. « Notre visée n’est nullement de devenir un moyen de recrutement pour l’armée mais bien de lui faire profiter du potentiel d’attractivité de l’e-sport », relève le président de LNX. « Nous avons plusieurs sujets en cours : une compétition interarmes autour du jeu Rocket League afin de consolider une base de joueurs, le lancement d’une chaîne Twitch pour renforcer les liens entre l’armée et le grand public et la création d’ici 2024 d’une compétition d’envergure internationale, un tournoi au cours duquel une équipe de joueurs-militaires français affronterait d’autres nations européennes. »

Mais LNX a également vocation à permettre à l’armée de s’inspirer des capacités développées par les joueurs professionnels. « Les professionnels de haut niveau ont développé des capacités cognitives et motrices qui peuvent intéresser les armées pour la pratique par exemple des pilotes de combat ou des opérateurs de drones », note Dorian Petey. Les services des armées pourraient ainsi lancer des recherches à partir d’un panel de militaires-joueurs volontaires. « Si l’US Army ou la Royal Air Force ont pris une longueur d’avance dans l’e-sport, les armées françaises ont su toutefois prendre le train au bon moment. Cette discipline est de fait un formidable outil de rayonnement et d’influence », conclut Dorian Petey.