La filière sociale se veut plus attractive

Au sein de la fonction publique territoriale, on ne dénombre pas moins de 230 métiers répartis en 3 catégories et 10 filières, parmi lesquelles se trouve la filière sociale. Cette dernière reste aujourd’hui toujours en quête d’une réévaluation de ses compétences et de ses salaires… Quelles actions sont donc prévues pour la reconnaissance des métiers de la filière sociale ? Point d’étape au plus près du terrain.

Relever certains défis

« Le Covid a changé la perception des métiers de la filière sociale. Le public comprend mieux l’importance de ces missions et l’intérêt d’avoir un service social efficace et structuré », estime Catherine Girard. La déléguée régionale de l’Actas (Association des Cadres Territoriaux de l’Action Sociale) et directrice des Solidarités du territoire Sud, Est et Vallée du Rhône constate toutefois que ces métiers manquent cruellement de personnels alors que des départs massifs à la retraite s’annoncent. « Plus que des diplômes, le secteur recherche des talents avec des savoir-faire et des savoir-être à même d’accompagner des territoires en pleine évolution, notamment démographique avec le vieillissement de la population ».

Sans compter que la question sociale se pose aujourd’hui avec un périmètre beaucoup plus large que par le passé. Le nombre croissant de divorces et de séparations par exemple impose de sortir des cadres et dispositifs classiques, pour accompagner, entre autres, les problématiques de parentalité, de familles recomposées, de logement… « Ces évolutions obligent à faire évoluer les formations et les profils », relève Catherine Girard, « de nouvelles générations arrivent mais attention à la perte d’expérience avec les nombreux départs à la retraite. La transmission des connaissances n’est sans doute pas suffisamment prise en compte dans ces métiers ».

Pour attirer de nouveaux talents, encore faut-il relever certains défis, comme le déploiement d’une plus forte culture numérique au sein des équipes et la résolution des difficultés de mobilité dans certains territoires : « les métiers sociaux sont injustement dévalorisés. Or, en privilégiant un recrutement de proximité sur des profils ne nécessitant pas de qualifications très élevées, pour des postes de services à la personne comme assistante maternelle ou aide-soignante, il est possible d’offrir une qualité de travail qui en plus a du sens, sans avoir à faire de longs déplacements en voiture », déclare Catherine Girard.
 

Des mesures jugées insuffisantes

Mais reste la délicate question de la réévaluation de la filière sociale demandée dans le cadre de la mise en œuvre depuis 2016 du Parcours Professionnels, Carrières et Rémunérations (PPCR). Ce dernier vise à restructurer les grilles de rémunération des corps et cadres d’emplois des catégories A, B et C. Jusqu’ici, les actions menées sont loin de correspondre à une vraie reconnaissance des diplômes et des compétences. Par exemple, les assistants territoriaux socio-éducatifs appartiennent à la catégorie B, alors qu’ils sont détenteurs d’un diplôme d’État reconnu par l’Union européenne de niveau licence (supposé catégorie A). 

Certes, à la suite de la Covid-19, des avancées ont été faites pour le personnel des Ehpad avec le Ségur de la Santé ; pour les aides à domicile et agents sociaux avec la prime de revalorisation ; ou encore pour les aides-soignantes et les aides médico-psychologiques avec la prime « Grand Âge ». « Par ailleurs, depuis 2020, les travailleurs sociaux, les assistantes sociales et les conseillers en économie sociale et familiale sont passés de la catégorie B à la catégorie A. De même, depuis le 1er janvier 2022, les aides-soignantes sont passées de la catégorie C à la catégorie B. C’est important pour leur déroulement de carrière », souligne Isabelle Vatinel, directrice du CCAS de Cherbourg-en-Cotentin qui ajoute que, depuis 2016, la collectivité a pris l’initiative de revaloriser le temps de déplacement de ses agents en les forfaitisant.
 

Des métiers qui se sont professionnalisés

Pour les fonctions de direction, « depuis une dizaine d’années maintenant, il existe la possibilité d’un positionnement sur des emplois fonctionnels (1) qui permettent, notamment au niveau salarial, une reconnaissance de la prise de responsabilité », explique Isabelle Vatinel qui regrette toutefois que « cette option ne soit pas toujours mise en application, peut-être par manque de connaissance ou de critères trop restrictifs ». La directrice du CCAS de Cherbourg-en-Cotentin relève qu’« avec la pression de plus en plus forte que connaissent désormais les agents de la fonction publique territoriale et ce, pas seulement aux postes de direction, les écarts de salaire avec le privé sont de moins en moins justifiés et sont un réel frein à l'attractivité de ces métiers ».

Les chargé(e)s d’accueil en sont une parfaite illustration. « En première ligne face au public, nous devons faire face à une recrudescence de l’agressivité, surtout depuis la Covid », constate Nadia, chargée d’accueil depuis dix ans dont cinq au CCAS de Cherbourg. « Nous sommes pourtant un rouage essentiel », ajoute sa collègue Cintya, « les gens nous demandent de plus en plus de conseils. Il faut prendre plus de temps pour les écouter et les orienter correctement. Nous sommes parfois leurs confidentes ».

En vingt ans, les métiers de la filière sociale ont donc beaucoup évolué et se sont professionnalisés. « Le vrai défi est de les rendre plus attractifs », conclut Isabelle Vatinel.

(1) Les emplois fonctionnels instaurés dans la fonction publique territoriale dès 1984 sont des emplois pouvant être créés et occupés par des fonctionnaires par voie de détachement ou par des contractuels en recrutement direct. 
 

                 Infographie Les réalités de la filière sociale en France. Voir la transcription ci-dessous

Les réalités de la filière sociale en France

Les travailleurs sociaux en France

  • 1,3 million de travailleurs sociaux
  • 42 % des travailleurs sociaux sont âgés de 50 ans ou plus
  • 9 femmes pour 10 professionnels
  • 23 % des professionnels du social détiennent un brevet des collèges ou sont non-diplômés (contre 15 % des autres salariés)
  • 32 % ont un CAP, BEP ou un autre diplôme de ce niveau
  • 12 % ont un diplôme paramédical et social de niveau Bac +2.
  • 87 % ont un contrat à durée indéterminée
  • 43 % sont à temps partiel (contre 16 % des autres salariés)
  • 65 % des employeurs des travailleurs sociaux sont des particuliers ou des associations

(Source : Direction de la recherche des études de l’évaluation et des statistiques/DREES – chiffre 2018)

La filière sociale de la fonction publique territoriale

  • 9,6 %. Part de la filière sociale dans les effectifs de la fonction publique territoriale
  • 170 500 agents
  • 129 400 fonctionnaires et 41 100 contractuels
  • 56 100 de catégorie A, 1 800 de catégorie B et 112 600 de catégorie C
  • 113 900 dans des organismes communaux, 21 000 dans des organismes intercommunaux, 35 000 dans des organismes départementaux et 6 000 en régions

(Source : DGCL - les collectivités locales en chiffres 2021 – chiffres 2019)
 

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