Le ministère de l’Éducation nationale a demandé la mise en place de cours d’empathie à l’école pour favoriser la bienveillance et lutter contre le harcèlement scolaire. À ce titre, l’expérimentation menée dans 1 000 écoles depuis le début de l’année devrait être généralisée à la rentrée de septembre 2024. Mais, concrètement, comment le mettre en pratique dans les classes ? Retours d’expérience.
Marie-Caroline Missir, directrice générale de Réseau Canopé, le réseau de formation des enseignants, nous parle de l'empathie.
Marie-Caroline Missir : « Chez Réseau Canopé, nous avons la conviction que les élèves bien dans leur peau sont des élèves qui apprennent et progressent mieux. En tant qu'opérateur public chargé de la formation tout au long de la vie des enseignants, nous avons investi de longue date le champ du bien-être à l’école. Ainsi, dès 2017, nous dispensions notre première formation sur l'empathie et nous avons formé depuis des milliers d'enseignants. L’enjeu, pour notre école, c’est de renforcer les compétences psychosociales des élèves, comme l’attention à l’autre et à soi-même, et de faire reculer le harcèlement scolaire et les discriminations. Ces formations s’enrichiront en 2024 pour accompagner la généralisation des cours d’empathie à toutes les écoles, après la phase d’expérimentation qui en concerne déjà un millier. Elles s’adressent à l’ensemble de la communauté éducative, et peuvent même être élargies aux agents publics, dans le cadre de notre offre aux collectivités. »
Il s’agit des compétences qui permettent de faire face aux défis de la vie quotidienne. Elles sont de trois natures :
Natacha Dangouloff, formatrice d’enseignants et chercheure en sciences de l’éducation et de la formation, vous explique tout.
Aujourd’hui, quelle est la place de l’empathie à l’école ?
Natacha Dangouloff : « Les cours d’empathie existent depuis plusieurs années dans certains pays scandinaves, notamment au Danemark, mais c’est une grande nouveauté en France. Jusqu’à présent, on avait tendance à penser que le développement de l’empathie et des compétences psychosociales chez les enfants était naturel ou relevait de l’éducation familiale. Or, l’école a aussi un rôle à jouer. Les cours d’empathie peuvent se révéler très utiles pour améliorer le climat scolaire entre élèves, mais également entre élèves et enseignants. De plus, des études anglo-saxonnes montrent que les élèves qui ont appris à renforcer leurs compétences psychosociales améliorent leurs performances scolaires dans les matières traditionnelles. »
En quoi ces compétences psychosociales peuvent être utiles par la suite, en grandissant ?
N. D. : « Les compétences psychosociales sont fortement demandées en entreprise. Comme l’explique Malene Rydahl, l’auteure franco-danoise de L’empathie, ça s’apprend, plus les compétences psychosociales sont développées dès le plus jeune âge, plus on observe un monde professionnel apaisé, dans lequel les gens communiquent mieux. On peut donc espérer un lien entre les deux. »
Concrètement, quels sont les outils à disposition des enseignants pour mettre en place les cours d’empathie dans leur classe ?
N. D. : « Plusieurs ressources existent. Il y a d’abord le livre intitulé Les compétences psychosociales de Rebecca Shankland et Béatrice Lamboy, qui propose des ateliers pratiques sur des temps plus ou moins longs. La direction générale de l’enseignement scolaire met aussi à disposition un kit d’ateliers d’empathie. Enfin, des formations sont proposées aux enseignants pour les aider à transposer la théorie dans leur classe. »
Justement, pouvez-vous nous parler des ateliers que vous menez en tant que formatrice académique ?
N. D. : « Il s’agit de montrer concrètement aux enseignants comment travailler l’empathie avec leurs élèves à travers des exercices de simulation où chacun se met à la place des autres. Il existe par exemple des jeux de rôles pour apprendre à résister à la pression sociale. Il est important de former les enseignants à ces jeux car, on le sait, les questions de harcèlement sont complexes. Certains élèves pourraient se retrouver en situation délicate s’ils devaient jouer des rôles susceptibles de créer des émotions bien réelles. Le but est donc de donner des clés aux enseignants pour leur permettre de mettre en place des activités à la fois efficaces pour lutter contre le harcèlement et protectrices des élèves. »
Les enseignants ont-ils aussi intérêt à se former à l’empathie ?
N. D. : « Complètement ! L’enjeu des formations, c’est également de travailler avec les enseignants afin qu’ils adoptent des comportements modélisants. Tous les incidents en classe peuvent être des opportunités d’apprentissage de l’empathie, par exemple lorsqu’un enseignant verbalise posément ses propres émotions face à un comportement perturbateur. Pour cela, il est indispensable de connaître les bons réflexes et de développer ses propres compétences psychosociales. »
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