Prix Chercheurs en Actes : les lauréats de la 4ème édition

Photo regroupant les participants du Prix Chercheurs en Actes

Le Conseil scientifique de l’éducation nationale (CSEN), Réseau Canopé, le réseau des INSPE, l’IH2EF, l'IFE et GMF se sont associés pour créer un Prix dédié à l’éducation nationale. Lancé en octobre 2019 et placé sous le patronage du Ministère de l’Education nationale et de la Jeunesse, le Prix Chercheurs en Actes récompense les actions et les expérimentations concrètes visant à la réussite scolaire de tous les élèves.

Le palmarès 2023

  1. Prix « égalité des chances » : Circonscription de Fort-de-France 1, Martinique

    Une méthode d’enseignement « explicite » pour favoriser l’apprentissage

    En France, les élèves issus d’un milieu défavorisé ont moins de chances de réussir à l’école que les autres. Afin de lutter contre l'échec scolaire, la circonscription de Fort-de-France en Martinique, a mis en place des tests d’enseignement explicite en mathématiques dans plusieurs classes. Une approche innovante pour favoriser l’égalité des chances.

    Une initiative collaborative pour favoriser l’égalité des chances

    L’Éducation Nationale s’est fixée pour objectif de réduire à moins de 10% les écarts de résultats entre les élèves des réseaux de l’éducation prioritaire et les autres. Les résultats mathématiques de la circonscription de FDF1, dont la majorité des établissements est classée REP et REP+, sont faibles. Ainsi, l’Inspé de Martinique, en association avec l’Inspé de Strasbourg, le laboratoire CRREF (Centre de recherches et de ressources en éducation et formation), l’université des Antilles et le laboratoire LISEC (Laboratoire inter universitaire des sciences de l’éducation et de la communication) de l’université de Strasbourg, a mis en place un projet éducatif inédit en France : tester l’efficacité de l’enseignement explicite par rapport à un enseignement socioconstructiviste dans des classes de CE1, CM1 et CM2 en REP et REP+. Le sujet à travailler ? La technique opératoire de la soustraction, de la division et de la notion d’aire.

    L’enseignement explicite, un atout pour lutter contre l’échec scolaire 

    La méthode d’enseignement explicite a déjà montré son efficacité au Canada et aux États-Unis auprès d’élèves en difficulté. Mais elle reste encore abstraite pour bon nombre d’enseignants français.
    Les leçons pensées de manière socioconstructiviste sont structurées en 4 étapes : la situation de découverte, la mise en commun, l’institutionnalisation du savoir et enfin la consolidation et l'entraînement. Celles établies selon l’enseignement explicite se décomposent en 3 étapes : le modelage, la pratique guidée, la pratique autonome. 

    Un projet expérimental à grande échelle

    Ce sont quelques 1022 élèves (26 classes de CE1, 14 classes de CM1, 25 classes de CM2) qui ont participé à 3 études sur le sujet. Les classes ont été assignées au hasard à l’une d’elles (socioconstructiviste, enseignement explicite ou groupe contrôle), puis ont été guidées dans un processus en 3 étapes : un pré-test, des leçons quotidiennes dispensées selon l’une ou l’autre des méthodes, et un post-test.
    Les résultats montrent que la méthode d'enseignement a un effet significatif sur la notion apprise. Par exemple, pour les CE1 (moyenne sur 10 points), le groupe contrôle (91 élèves) obtient des moyennes de 1,28 et 4,23 en pré et post-test. Celui qui a appris la leçon par le modèle socioconstructiviste : 1,54 et 6,38. Tandis que le dernier, qui était soumis à l’enseignement explicite, était noté 1,19 en pré-test et 7,77 en post-test. 

    Après la Martinique, et afin d’aller encore plus loin dans l’analyse des résultats, de nouveaux tests devraient être menés par l’académie de Strasbourg sur le sujet des nombres décimaux. Cette étude apporte déjà des éclairages intéressants pour lutter contre l’échec scolaire et agir en faveur de l’égalité des chances. Ce n’est donc qu’un début !

     

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  2. Prix « confiance en soi et compétences socio-comportementales » : École Maternelle René Cassin de Pont-du-Château (académie de Clermont-Ferrand)

    L’autorégulation comme levier d’apprentissage

    Les difficultés d’apprentissage peuvent apparaître très tôt chez certains élèves, mais elles ne sont pas une fatalité. En s’appuyant sur des études et des spécialistes en sciences cognitives, le personnel de l’école maternelle René Cassin, à Pont-du-Château, a testé des séances pédagogiques pour stimuler les petits et leur redonner confiance en eux et en leurs capacités. 

    Favoriser l’apprentissage grâce à l’autorégulation

    L’idée du projet est née du constat que certains élèves, dès la maternelle, font face à des difficultés pour s’investir dans l’apprentissage. Ils montrent parfois un manque de motivation à s’engager dans une tâche ou à persévérer devant des obstacles. Selon certaines recherches en sciences cognitives, l’autorégulation pourrait avoir un rôle à jouer dans ces cas. L’équipe pédagogique de l’école René Cassin s’est appuyée sur des études et sur le soutien de deux enseignantes-chercheuses du laboratoire ACTé de Clermont-Ferrand, Toczek Capelle (référente sur la question de la motivation) et D. Escorcia (experte en métacognition), pour concevoir un programme de séances pédagogiques qui allient des processus cognitifs et métacognitifs afin de développer cette autorégulation. 

    Un processus en plusieurs étapes

    Le test a été mené sur 29 élèves de Moyenne Section répartis en groupe de 4 à 6 élèves et divisés en deux classes, l’une expérimentale, qui a assisté aux séances pédagogiques, l’autre de contrôle pour référence. Tous les élèves ont été soumis à des pré-tests, puis ceux de la classe expérimentale ont suivi des séances pédagogiques spécialement formulées pour booster leur autorégulation. Des post-tests ont ensuite été effectués sur les deux groupes. Ceux-ci consistaient en la résolution de 5 problèmes ouverts face auxquels les élèves devaient trouver le plus de solutions possibles. 

    Des séances pédagogiques stimulantes

    Lors des séances pédagogiques, l’accent a été mis sur le lien entre l’utilisation de stratégies d’apprentissage et la motivation des élèves à participer aux activités proposées. Ainsi, pendant les ateliers, les enseignants ont adapté des modèles métacognitifs et ont insisté sur les objectifs de l’apprentissage. Ils ont également utilisé l’évaluation formative et le feedback bienveillant pour faire progresser leurs élèves.

    Des résultats encourageants pour favoriser la réussite

    Les post-tests ont révélé des différences significatives entre les deux groupes. Le temps utilisé est assez similaire pour tous les enfants, mais le taux de réussite est meilleur chez ceux qui ont assisté aux séances. Ceux-ci semblent avoir gagné en capacité de contrôle sur le travail en cours, en planification et en autoévaluation. Ce constat est particulièrement visible chez les élèves qui présentent des difficultés. Une augmentation du sentiment d’efficacité personnelle et de la motivation est également constatée chez ces derniers. À l’inverse, les élèves de la classe de contrôle semblent viser plus la performance que la maîtrise de la réalisation de la tâche. Deux mois après le projet, l’enseignante déclare une quasi-disparition des comportements d’évitement. 

    Les résultats de cette étude sont très encourageants pour poursuivre le projet. Travailler sur la confiance et l’autorégulation dès le plus jeune âge pourrait éviter le découragement et favoriser la réussite du plus grand nombre à l’école. 
     

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  3. Prix « confiance en soi et compétences socio-comportementales » : Collège Pablo Picasso de Vallauris (académie de Nice)

    Des vidéos 360° pour lutter contre les phobies et améliorer le « savoir nager »

    La noyade est un problème de santé majeur reconnu aux niveaux national et mondial. Le taux d’élèves non-nageurs ne cesse de grandir depuis 2015. Deux professeurs d’EPS du collège Pablo Picasso de Vallauris, ont décidé de traiter ce problème en s’adressant notamment aux élèves phobiques avec un concept innovant de vidéos à 360°.

    PHOBIES360 : Un programme pour lutter contre la phobie de l’eau

    Le collège Pablo Picasso de Nice a fait du « savoir nager » l’une de ses priorités dès le début des années 2000. Depuis 2018, deux professeurs d’EPS, Régis Fayaubost et Sébastien Maire, soutenus par Lionel Roche (enseignant chercheur à l’Université Mohammed VI Polytechnique), ont conçu une approche innovante basée sur la réalité virtuelle, pour favoriser l’apprentissage de la natation, en particulier pour les élèves phobiques. Le but : leur permettre de dépasser leur peur. 

    En effet, une majorité des élèves non-nageurs se déclarent phobiques. Les outils numériques et notamment la thérapie par exposition à la réalité virtuelle sont déjà utilisés pour traiter les phobies dans certains cas. L’équipe a donc opté pour de la vidéo à 360°, plus accessible technologiquement et économiquement, mais tout aussi efficace.
    Le concept développé permet de travailler sur les 3 phobies liées à l’eau : l’ablutophobie (peur irrationnelle de se noyer par immersion des voies respiratoires), l’aquaphobie (peur de se noyer par engloutissement) et la thalassophobie (peur de la faune et de la flore sous-marine), moins courante ici.

    Un méthode structurée pour un accompagnement complet

    Le processus pour traiter la phobie des élèves se déroule en plusieurs étapes. Tout commence hors du bassin, dans les douches, avec l’initiation aux principes respiratoires fondamentaux tout en ouvrant la relation au milieu liquide. Ils sont ensuite placés dans des situations d’apprentissage avec des accessoires (tubas, masques scaphandres et foulards) spécifiques à leurs peurs et utilisés à des fins pédagogiques. Enfin, ils sont immergés dans les bassins avec les visiocasques de vidéo 360°. Ainsi placés dans des conditions virtuelles de plus ou moins grande profondeur, ils sont alors confrontés à des situations émotionnellement fortes, de manière progressive et en alternance avec des temps calmes. Selon le niveau de stress initial, de 2 à 6 séances de visionnage sont nécessaires pour constater des avancées.

    Des progrès remarquables

    Tout au long du processus, des améliorations notables sont constatées. Les élèves ne présentent plus de signes de phobie : ils acceptent d’ouvrir la bouche sous l’eau, font de l’apnée, jouent dans le grand bain. Un premier pas important pour valider ensuite les apprentissages techniques du « savoir nager ». 
    La première année du projet, parmi les 54 élèves répartis en deux groupes, l’un expérimental et l’autre de contrôle, seul un élève du groupe test n’a pas validé son épreuve, contre 4 du groupe de contrôle. L’année suivante (2021/2022), sur 60 participants, le groupe test a terminé avec un seul échec (bien que l’élève soit devenu non phobique), contre 3 pour le groupe témoin.

    Ces résultats très encourageants ont permis à l’établissement de faire ses preuves. Le programme a ainsi été étendu aux élèves de CM2 et aux élèves phobiques au-delà du 3e cycle. La méthode est également déployée pour d’autres projets transversaux visant d’autres schémas de stress, mais aussi pour les services de pompiers par exemple. PHOBIES360 est indéniablement une idée à suivre de très près.  
     

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  4. Prix « évaluation et intervention pédagogique » : Direction des services départementaux de l'Éducation nationale de l'Aveyron (D.S.D.E.N.)

    JeMo : Un dispositif pour développer les connaissances Morphologiques à l'école

    Oral ou écrit, les résultats aux évaluations nationales de français de la circonscription Aveyron 5 demeurent largement inférieurs aux moyennes nationales. Afin de mieux comprendre cet état de fait et d’y apporter des solutions concrètes, un projet de recherche ambitieux a été initié (par le CNRS, l’INSPE Toulouse, l’IEN et les conseillers pédagogiques de l'équipe de la circonscription de l'Aveyron 5), basé sur la morphologie, à savoir, l’étude de la formation des mots. 

    Lutter contre les difficultés de la lecture et de la compréhension

    Le bilan des évaluations nationales réalisées sur le Réseau d’Éducation Prioritaire (REP) de la circonscription Aveyron 5 révèle qu’en 6ème , 67 % des élèves rencontrent des difficultés en compréhension de l’écrit et 80% sur le lexique. En CP et CE1, 31% des élèves rencontrent des difficultés en lecture et 33% en compréhension orale. Les difficultés s’avèrent d’autant plus importantes lorsque les élèves n’ont pas pour langue maternelle le français ou lorsqu’il existe un trop gros décalage entre celui parlé à la maison et celui attendu à l’école. C’est en partant de ces chiffres édifiants que le projet JeMo est né. Porté par de nombreux acteurs locaux et nationaux, il a pour but de faire acquérir aux élèves concernés des connaissances solides sur la morphologie du français et, d’une manière générale, d’améliorer l’aptitude à lire.  

    Le projet collectif d’acteurs concernés

    Afin d’aider les élèves à acquérir les compétences en morphologie du français, l’équipe, composée des chercheurs de l’IEN, de l’équipe de circonscription et des enseignants du REP, a développé un programme d’études, de tests et la mise en place d’activités et d’outils pédagogiques en classe sous forme de jeux collectifs dédiés.

    Une vaste opération en plusieurs étapes

    Un protocole en 4 phases a été développé pour évaluer l’impact de l’entraînement à la morphologie sur la lecture. 
    Dans un 1er temps, la phase de pré-test, qui consiste en une évaluation des connaissances en français et de la compréhension de textes, a eu lieu d’avril à octobre 2023. 
    Dans un 2ème temps, à la rentrée 2023, l’équipe s’attachera à construire les activités pour le développement des connaissances morphologiques, avant la mise en place dans les classes pendant 6 mois. 
    Enfin, les élèves réaliseront des post-tests. L’étude sera menée sur des élèves du CE1 à la 3ème, scolarisés en REP. Différentes données seront ensuite analysées : la comparaison des résultats des élèves avant et après l’opération, et la comparaison des résultats des REP et des non-REP en compréhension de texte post-activités.

    Ce projet au long court démontre un engagement fort pour l’amélioration de l’apprentissage et l’égalité des chances.  
     

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